Cristiana Reali couronnée lors des Molières pour un rôle féministe (et c'est mérité)
On s'impatientait de voir "Un tramway nommé désir" réimaginé par une jeune metteuse en scène, tant cette histoire est majeure pour qui s'intéresse à la condition féminine, et aux enjeux actuels #MeToo. Et c'est justement ce qu'a démontré la toute nouvelle transposition par Pauline Susini, qui a pris place sur les planches des Bouffes Parisiens. En son coeur, un décor épuré, et une grande actrice : Cristiana Reali .
Dans "Un tramway nommé désir", la comédienne habituée du théâtre, mais que vous connaissez peut être davantage pour ses partitions télévisuelles, incarne Blanche Dubois. LE personnage phare de ce récit. Et dès la première, l'actrice est revenue renverser le public, dans la peau de cette femme torturée et caustique qui va se confronter à l'époux de sa soeur, le brutal Stanley. C'est une figure féminine d'une rare complexité.
Mais aussi, d'une sidérante intensité, émotion que Cristiana Reali est parvenue à retranscrire. Et cela n'a pas échappé aux Molières, les César du théâtre : la comédienne est ressortie couronnée de la cérémonie ! Au Théâtre des Folies Bergère à Paris, Cristiana Reali a remporté cette soirée-là le Molière de la Meilleure comédienne dans un spectacle de théâtre privé.
"C'est un rôle difficile, chargé, parfois drôle"
Sur scène, son "acting" dans "Un tramway nommé désir" avait engendré bien des réactions : rires face à ses piques anti-macho d'une redoutable ironie, mais aussi empathie, stupeur... C'est pour cela qu'on ne s'étonne pas de voir une performance aussi nuancée et dense être saluée par les Molières.
C'est un rôle qui, par son seul choix, témoigne d'un certain engagement. A la fois antagoniste et victime de Stanley, grosse bête alcoolique qui dans l'adaptation ciné d'Elia Kazan (1951) était interprétée par un très fiévreux Marlon Brando. Blanche synthétise tant de thèmes et de pressions qui pèsent sur les femmes, quelle que soit la génération : l'âgisme, les violences sexistes et sexuelles, le "slut shaming".
Tout cela, ce retentissement finalement très contemporain, s'est ressenti à travers la partition toute en émotions de Cristiana Reali, troublante de vérité sous les traits de cette professeure d'anglais à l'attitude très extravagante, qui traîne derrière elle de fâcheux fantômes, mais surtout une vraie force tragicomique. Jusqu'à sa dramatique finalité, la voix de Blanche, et celle de son interprète, vient résonner contre le patriarcat. Son sacre à la Nuit des Molières témoigne de la portée de cette parole.
Et la principale concernée de s'en émouvoir, relatent nos confrères de Purepeople : "Je viens d'apprendre que j'ai eu un Molière pour le rôle de Blanche Dubois. Ce rôle difficile, chargé, parfois drôle, intense et dramatique. Mais extraordinaire pour une comédienne. Ce Molière je le lui dois car ce n'est pas un rôle qui se construit seule. Il y a aussi la metteuse en scène Pauline Susini. Honneur à sa personne son immense talent, son humour sa sensibilité. Blanche aussi la remercie du fond du coeur !"
