Au début, ça commence bien. Une soirée qui se termine, trois amis qui rentrent chez eux à pied dans les rues de Paris. Puis l'une des trois se détache, elle doit prendre un chemin différent pour rentrer chez elle. C'est là que ça dérape. C'est son court trajet pour regagner le domicile de son copain qu'Au bout de la rue de Maxime Gaudet capte.
Seule dans une rue en apparence calme, les écouteurs vissés sur les oreilles, la jeune femme presse le pas. Elle croise un premier individu qui l'alpague. Comme elle ne répond pas, les insultes fusent.
Jusqu'au dernier moment et après une ultime frayeur sur le pas de sa porte, la jeune femme finit par rentrer saine et sauve chez son petit-ami qui, en lui ouvrant la porte, n'a pas conscience du parcours du combattant qu'elle a dû entamer pour le rejoindre.
C'est cette triste réalité que Maxime Gaudet, le réalisateur d'Au bout de la rue, a voulu mettre en lumière. Alors que l'an dernier, un rapport remis au gouvernement affirmait que 100% des utilisatrices des transports en commun ont déjà été victimes de harcèlement sexiste et/ou sexuel, le fait d'aborder de manière agressive une jeune femme dans la rue reste, encore aujourd'hui, en 2016, presque un acte anodin, banal.
S'il n'a jamais vécu personnellement le harcèlement de rue, Maxime Gaudet en a déjà été témoin. "J'étais avec ma copine de l'époque et sa mère. On était en plein jour, au coeur de Paris et un mec du BTP s'est mis à traiter l'une des deux de 'sale pute' avant de reprendre son boulot comme si de rien n'était. Ça m'a fait halluciner qu'en pleine rue, de jour, un mec qui était en train de bosser se permette de tenir ce genre de propos à l'encontre de femmes et que personne ne réagisse, nous raconte-t-il. C'est aussi en lisant tous les témoignages sur des blogs comme celui de Maeril, Paye ta Shnek, le Projet Crocodiles."
Frappé par ces témoignages, le réalisateur a décidé de consacrer un court-métrage au phénomène du harcèlement de rue. En résulte Au bout de la rue, soit trois minutes intenses où l'on suit en plan séquence cette fille qui rentre chez elle après une soirée entre amis. "J'ai voulu être au plus près de mon personnage et je me suis dit que le meilleur moyen de me mettre dans la peau de quelqu'un, c'était de le faire en temps réel. Le son est aussi très important, puisqu'il recrée ce qu'elle, elle perçoit."
Maxime Gaudet défend aussi son parti pris : dans Au bout de la rue, la jeune femme est seulement victime d'insultes, et non d'agression physique. Pourtant, souligne le réalisateur, les mots sont tout aussi marquants. "En écrivant le scénario, j'ai toujours gardé en tête qu'à la fin de l'histoire, quand elle raconte ce qui lui est arrivé, on puisse lui dire : 'oh ça va, il t'est rien arrivé'. Car c'est ça le pire : le harcèlement de rue est vu comme un comportement anodin et quotidien. Or, ça ne l'est pas."
Heureusement, les choses semblent enfin bouger. Outre le plan national dévoilé à l'automne par le gouvernement, la résonnance de certains témoignages, comme celui de Diglee ou la vidéo de Meufisme , les langues se délient enfin pour dénoncer un comportement qui est tout sauf acceptable et qui relève souvent de l'agression sexuelle.
Mise en ligne à la mi-mars, la vidéo a déjà été visionnée plus de 16 000 fois. "Les retours sont très bons. Des gens témoignent que c'est super réaliste, ça me fait très plaisir." Maxime Gaudet espère ainsi avoir atteint son but : faire prendre conscience du fléau que constitue le harcèlement de rue. "En tant qu'homme, je n'ai jamais été directement concerné, mais je pense que chacun a son rôle à jouer. En changeant de comportement ou en ne minimisant pas la violence dont sont victimes les femmes dans la rue et les conséquences que cela peut avoir. Je sais qu'avec Au bout de la rue, j'effleure à peine le sujet. Quand on voit l'affaire Denis Baupin, on se rend bien compte que le harcèlement sexuel survient dans toutes les sphères de la société."