Société
"Au bout de la rue" : 3 minutes sous tension pour dénoncer le harcèlement de rue
Publié le 13 mai 2016 à 17:29
Par Charlotte Arce | Journaliste
3 minutes. C'est le temps qu'il faut à "Au bout de la rue" pour nous faire ressentir la peur que ressentent les jeunes femmes quand elles rentrent seules le soir. Un court-métrage nécessaire qui dénonce en un plan séquence et peu de mots le harcèlement de rue. Nous avons rencontré son réalisateur, Maxime Gaudet.
Au bout de la rue : 3 minutes sous tension pour dénoncer le harcèlement de rue Au bout de la rue : 3 minutes sous tension pour dénoncer le harcèlement de rue© Maxime Gaudet
La suite après la publicité

Au début, ça commence bien. Une soirée qui se termine, trois amis qui rentrent chez eux à pied dans les rues de Paris. Puis l'une des trois se détache, elle doit prendre un chemin différent pour rentrer chez elle. C'est là que ça dérape. C'est son court trajet pour regagner le domicile de son copain qu'Au bout de la rue de Maxime Gaudet capte.

© Maxime Gaudet

Seule dans une rue en apparence calme, les écouteurs vissés sur les oreilles, la jeune femme presse le pas. Elle croise un premier individu qui l'alpague. Comme elle ne répond pas, les insultes fusent.

Jusqu'au dernier moment et après une ultime frayeur sur le pas de sa porte, la jeune femme finit par rentrer saine et sauve chez son petit-ami qui, en lui ouvrant la porte, n'a pas conscience du parcours du combattant qu'elle a dû entamer pour le rejoindre.

Être au plus près de la victime

C'est cette triste réalité que Maxime Gaudet, le réalisateur d'Au bout de la rue, a voulu mettre en lumière. Alors que l'an dernier, un rapport remis au gouvernement affirmait que 100% des utilisatrices des transports en commun ont déjà été victimes de harcèlement sexiste et/ou sexuel, le fait d'aborder de manière agressive une jeune femme dans la rue reste, encore aujourd'hui, en 2016, presque un acte anodin, banal.

S'il n'a jamais vécu personnellement le harcèlement de rue, Maxime Gaudet en a déjà été témoin. "J'étais avec ma copine de l'époque et sa mère. On était en plein jour, au coeur de Paris et un mec du BTP s'est mis à traiter l'une des deux de 'sale pute' avant de reprendre son boulot comme si de rien n'était. Ça m'a fait halluciner qu'en pleine rue, de jour, un mec qui était en train de bosser se permette de tenir ce genre de propos à l'encontre de femmes et que personne ne réagisse, nous raconte-t-il. C'est aussi en lisant tous les témoignages sur des blogs comme celui de Maeril, Paye ta Shnek, le Projet Crocodiles."

Frappé par ces témoignages, le réalisateur a décidé de consacrer un court-métrage au phénomène du harcèlement de rue. En résulte Au bout de la rue, soit trois minutes intenses où l'on suit en plan séquence cette fille qui rentre chez elle après une soirée entre amis. "J'ai voulu être au plus près de mon personnage et je me suis dit que le meilleur moyen de me mettre dans la peau de quelqu'un, c'était de le faire en temps réel. Le son est aussi très important, puisqu'il recrée ce qu'elle, elle perçoit."

"Oh ça va, il t'est rien arrivé"

Maxime Gaudet défend aussi son parti pris : dans Au bout de la rue, la jeune femme est seulement victime d'insultes, et non d'agression physique. Pourtant, souligne le réalisateur, les mots sont tout aussi marquants. "En écrivant le scénario, j'ai toujours gardé en tête qu'à la fin de l'histoire, quand elle raconte ce qui lui est arrivé, on puisse lui dire : 'oh ça va, il t'est rien arrivé'. Car c'est ça le pire : le harcèlement de rue est vu comme un comportement anodin et quotidien. Or, ça ne l'est pas."

Heureusement, les choses semblent enfin bouger. Outre le plan national dévoilé à l'automne par le gouvernement, la résonnance de certains témoignages, comme celui de Diglee ou la vidéo de Meufisme , les langues se délient enfin pour dénoncer un comportement qui est tout sauf acceptable et qui relève souvent de l'agression sexuelle.

Mise en ligne à la mi-mars, la vidéo a déjà été visionnée plus de 16 000 fois. "Les retours sont très bons. Des gens témoignent que c'est super réaliste, ça me fait très plaisir." Maxime Gaudet espère ainsi avoir atteint son but : faire prendre conscience du fléau que constitue le harcèlement de rue. "En tant qu'homme, je n'ai jamais été directement concerné, mais je pense que chacun a son rôle à jouer. En changeant de comportement ou en ne minimisant pas la violence dont sont victimes les femmes dans la rue et les conséquences que cela peut avoir. Je sais qu'avec Au bout de la rue, j'effleure à peine le sujet. Quand on voit l'affaire Denis Baupin, on se rend bien compte que le harcèlement sexuel survient dans toutes les sphères de la société."

Mots clés
Société harcèlement droits des femmes sexisme News essentielles
Sur le même thème
Marine Tondelier dénonce l'absence des femmes politiques sur les plateaux des débats télé (et elle a bien raison) play_circle
Société
Marine Tondelier dénonce l'absence des femmes politiques sur les plateaux des débats télé (et elle a bien raison)
5 juillet 2024
La star de "NCIS" Jennifer Esposito dénonce l'attitude d'un producteur "à la Harvey Weinstein" play_circle
Culture
La star de "NCIS" Jennifer Esposito dénonce l'attitude d'un producteur "à la Harvey Weinstein"
19 juin 2024
Les articles similaires
"Menaces", "violence", "dangers" : en Pologne, le droit à l'avortement est plus que jamais condamné, et les conséquences sont déplorables play_circle
Société
"Menaces", "violence", "dangers" : en Pologne, le droit à l'avortement est plus que jamais condamné, et les conséquences sont déplorables
29 août 2024
Léon Marchand, Jeremy Allen White... : sexualiser les mecs, est-ce que c'est sexiste ? play_circle
Société
Léon Marchand, Jeremy Allen White... : sexualiser les mecs, est-ce que c'est sexiste ?
2 octobre 2024
Dernières actualités
Pour Noël, ce sex symbol des années 90 fait son retour sur nos écrans play_circle
television
Pour Noël, ce sex symbol des années 90 fait son retour sur nos écrans
20 novembre 2024
Cette influenceuse française aux millions d'abonnés accusée de dérives sectaires play_circle
Société
Cette influenceuse française aux millions d'abonnés accusée de dérives sectaires
20 novembre 2024
Dernières news