Peu connue sur notre territoire, la première autobiographie de Pamela De Barres est pourtant entourée d'une aura de culte outre-Atlantique. Sorti en 1987 et finalement traduit chez nous en 2006 (ed. Le serpent à plumes), le livre est réédité cet automne chez Le mot et le reste. Près de 30 ans après sa première parution, I'm With The Band pourrait être considéré comme poussiéreux, le témoignage d'une époque révolue qui n'intéressera plus qu'une poignée de passionnés. Mais on aurait tort de passer à côté de ces Confessions d'une groupie. D'abord parce qu'elles documentent avec beaucoup de légèreté la création des plus grands groupes de rock de tous les temps, ensuite parce qu'elles manifestent de la construction d'une jeune femme qui allait devenir une pionnière de la libération sexuelle. Après la publication début septembre de deux romans s'intéressant chacun à leur façon aux "girls" de Charles Manson, la réédition de I'm With The Band arrive comme un écho fun et désinvolte à ces oeuvres littéraires très sombres.
"A chaque fois que je vois ces vieilles images en noir et blanc où Elvis est tondu pour les beaux yeux de l'Oncle Sam, j'ai des frissons". Ainsi commence le récit de Pamela De Barres, née à Resada en Californie. Pamela, une jeune fille bien de son époque qui fantasmait sur les Beatles tout en portant sa virginité en étendard. Comme beaucoup de ses amies, elle aurait pu grandir, décoller les posters de Paul de sa chambre d'ado, rencontrer un bon garçon et se marier. Mais les artistes avaient la main mise sur son petit coeur. Un petit coeur qui finit par exploser à la découverte des Rolling Stones, "des garçons sales et débraillés " dont la musique lui firent escalader " de nouveaux sommets d'abandon adolescent". On vous laisse imaginer.
Pamela De Barres a fait les bonnes rencontres. Ses parents étaient plutôt laxistes pour l'époque, et elle a donc pu se bâtir sa propre identité, loin des carcans imposés par la société aux jeunes filles des sixties. Une fois le lycée terminé (en 1966), elle a quitté Resada pour Sunset Strip. Là-bas, elle s'est fait des amies aussi délurées qu'elle, passait ses soirées au Whisky a Go Go, et se faisait remarquer par de jeunes rockstars en herbe. Prise sous l'aile de Frank Zappa, la blondinette a même intégré le premier groupe de groupies, les GTO (pour Girls Together Outrageously). Composé de sept filles ultra cool, le groupe a donné naissance à un seul et unique album en 1969, Permanent Damage.
Mais grâce aux GTO et parce que dans les années 60, rencontrer des rockstars était facile, Pamela De Barres née Miller, est devenue l'amante et la muse des plus grands. Rouler des pelles à Jim Morrison avant que les Doors ne sortent leur premier album ? Check. Partager la couche de Noel Redding, le bassiste de The Jimi Hendrix Experience ? Check. Devenir la petite-amie de Jimmy Page ? Triple check. Avec délice et beaucoup d'autodérision, l'ancienne groupie se souvient de cette époque où elle a vendu son âme au rock'n'roll et à ceux qui construisaient sa légende. I'm With The Band est bourré d'anecdotes mais Pamela De Barres le fait toujours avec beaucoup de bienveillance. Elle en a vu des rockstars se droguer, bouffer la vie comme s'il n'existait aucune limite. Et elle n'a pas seulement assisté à tout ça, elle y a pris part. Ses soirées de folie avec Keith Moon, le batteur le plus barré mais aussi le plus triste de sa génération, ses multiples orgasmes offerts par la bouche et le corps de Mick Jagger... les mémoires de celle que les pop stars surnommaient Miss Pamela ont de quoi faire frissonner d'envie les fans de Justin Bieber.
Réduire I'm With The Band a ses détails croustillants serait une erreur. L'autobiographie de Pamela De Barres porte aussi un regard tendre et intime sur la fin des sixties et le début des seventies. Surtout, le livre est le témoignage du passage de l'adolescence à l'âge adulte d'une jeune fille éprise de liberté. A coup d'extraits de son journal intime ou de courriers, on voit Miss Pamela mûrir, passer de l'amoureuse qui se languit à une femme beaucoup plus sûre d'elle. Sans s'en rendre vraiment compte à l'époque, la Californienne a participé à la révolution sexuelle. Elle faisait l'amour, elle adorait ça, et elle ne s'est jamais souciée du jugement des autres. Digne représentante d'un féminisme totalement décomplexé, elle poussa même sa passion du sexe et du rock'n'roll encore plus loin en publiant en 2007 un livre bourré de témoignages autour des groupies et des histoires qu'elles ont vécu avec leurs idoles : Let's Spend The Night Together. Un titre évocateur et clin d'oeil non dissimulé à ses nuits brûlantes dans les draps de Mick Jagger.
Un peu chanteuse, un peu actrice, auteure de cinq ouvrages sur le rock, inspiration de Kate Hudson pour son personnage de groupie dans le cultissime Presque célèbre, Pamela De Barres ne s'est pas seulement offert des parties de jambes en l'air avec des rockstars, elle est devenue elle-même une icône. Trente ans après leur première publication, ses confessions n'ont pas pris une ride. Rock'n'roll forever.
Ed. Le mot et le reste, 432 pages, 26 euros