C'est par hasard, lors d'une promenade en mai 1987, que la psychologue américaine Francine Shapiro découvrit que ses "petites pensées négatives obsédantes" disparaissaient quand elle faisait aller et venir rapidement ses yeux de gauche à droite. Il ne lui en fallut pas davantage pour l'expérimenter auprès de ses patients et créer l'EMDR, avec des résultats étonnants – notamment pour les états de stress post-traumatique (ESPT) subis par les victimes de conflits, d'attentats, de violences sexuelles ou de catastrophes naturelles.
Petits et grands traumatismes
On traite par l'EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) ou IMO en français (Intégration par Mouvements Oculaires) des grands chocs (attentats, viols, agressions, guerres), mais aussi des "petits" traumatismes (phobies, TOC, troubles du comportement, deuil, séparation). Lorsqu'un traumatisme survient dans la vie d'une personne, il est stocké dans le cerveau avec tout ce qui l'accompagne (images, bruits, sentiments). À ce moment-là, l'information est mal ou peu traitée par le cerveau qui emprisonne les pensées et les sentiments négatifs de l'événement dans le système nerveux.
L'expérience et les sentiments qui l'accompagnent sont souvent supprimés de la conscience, mais la détresse continue de se manifester dans le système nerveux où elle cause des perturbations dans le fonctionnement émotif de la personne. L'EMDR "débloque" les mémoires et les émotions négatives stockées dans le système nerveux, puis elle aide le cerveau à re-traiter l'expérience pour qu'elle soit "digérée".
Stéphanie Gobbo, praticienne en hypnothérapie et EMDR à Paris, en livre les grandes lignes : "Cette technique, bien qu'en apparence très simple, est d'une efficacité remarquable. Elle permet au sujet de passer d'une croyance, d'un ressenti négatif à un ressenti positif sur soi. Ce changement permet de sortir de la spirale du traumatisme et d'acquérir la distance nécessaire pour avancer dans la vie sereinement."
Au début de la séance, le praticien aide le patient à repérer exactement le problème ou l'événement qui sera la cible du traitement. "Les personnes viennent en exprimant leur souci majeur 'je ne suis pas un vrai homme, je suis nul, je ne serais jamais capable de...' C'est une fausse croyance qui a été ancrée dans l'inconscient, qui modifie leur comportement et les empêche d'avancer dans la vie", explique la praticienne.
L'EMDR va les aider à retraiter l'information source de ce problème par des stimulations bilatérales alternées. Ces stimulations se pratiquent de différentes manières : par le biais de mouvements oculaires (le patient suit des yeux les doigts du thérapeute ou un objet en mouvement), de stimulations tactiles (le thérapeute tapote de manière alternée les mains ou les genoux du patient) ou de stimulations sonores (il claque des doigts alternativement à droite et à gauche ou utilise un émetteur de bips sonores).
"Un traumatisme simple peut être traité en une seule séance dans 80 voire 90% des cas. L'EMDR ne peut ni effacer ni changer le passé, mais permet qu'il ne fasse plus mal. Il guérit des blessures émotionnelles, permet la mobilisation de ses propres ressources psychiques et restaure l'estime de soi", affirme Stéphanie Gobbo.
Sylvie Mahenc.