"Laissez-nous entrer dans les stades". Ce cri de révolte a été déployé sur de grandes banderoles vendredi 15 juin au stade de Kazan en Russie, lors du match entre l'Iran et le Maroc de la Coupe du Monde 2018. Dans les gradins, les banderoles ont circulé de mains en mains parmi les supporters et les supportrices d'Iran. Les instigatrices comptent bien réitérer leur action ce mercredi 20 juin, lors du match Iran-Espagne qui sera diffusé ce soir à 20 heures.
Pour de nombreuses Iraniennes, assister à un match, cheveux au vent et maquillage aux couleurs de l'Iran sur les joues, était une grande première. "J'ai imaginé si longtemps que ce serait le meilleur jour de ma vie. Les odeurs en apercevant la pelouse, les sons, l'atmosphère, c'était incroyable. J'ai pensé à toutes mes amies qui auraient voulu être avec moi. C'est un rêve pour nous de venir ensemble, un jour", confie l'une d'entre elles au quotidien 20 Minutes.
Mais réaliser ce rêve n'est pas sans danger pour ces femmes. En effet, les femmes d'Iran sont interdites de match depuis la chute du Chah en 1979, officiellement pour les protéger du comportement inconvenant des supporteurs. En violant cette loi, elles risquent la prison. Y compris les supportrices d'Iran qui se rendent en Russie pour soutenir leur équipe au Mondial 2018.
Loin de se laisser abattre et décider à faire valoir leurs droits, les Iraniennes sont néanmoins prêtes à braver tous les interdits. Elles n'en sont d'ailleurs pas à leur premier coup d'essai. Ferventes supportrices, elles n'hésitent pas à user de tous les subterfuges pour vivre leur passion, comme l'atteste le documentaire Hors Jeu du réalisateur iranien Jafar Panahi. Le film raconte notamment l'idée de comédiennes iraniennes de se travestir en hommes afin d'assister à la qualification de l'Iran, avant la Coupe du monde de 2006.
En 2017, le ministre des Sports iranien Masoud Soltanifar a accordé à deux députées iraniennes d'assister au match de qualification Iran-Syrie pour la Coupe du Monde 2018. Pour la première fois, les médias iraniens n'ont pas hésité à diffuser des images des supportrices syriennes assistant à la rencontre. Le lendemain, le site internet du stade Azadi avait été piraté : pendant plusieurs heures, un bandeau sur la page d'accueil affichait "Laissez les femmes iraniennes accéder à leurs stades".
Un combat vain ? Pas nécessairement. En 2015, le vice-ministre des Sports de la République islamique Abdolhamid Ahmadi avait approuvé un plan du ministère des Sports pour permettre aux femmes et aux familles d'assister à certains événements sportifs.
Cette annonce avait fait suite à un discours, un mois auparavant, par le président de la FIFA, Sepp Blatter qui avait pressé le régime de Téhéran de mettre fin à cette "intolérable" interdiction. Une discrimination qui a été décisive dans le choix fait par les instances dirigeantes du football d'attribuer la Coupe d'Asie des nations 2019 aux Emirats arabes unis plutôt qu'à l'Iran.