Société
Cette asso a monté des équipes de foot mixtes (et c'est une formidable idée)
Publié le 25 juin 2018 à 18:31
Par Marguerite Nebelsztein
L'association des Sportif·ve·s fait jouer au football les filles et les garçons pour défendre la mixité. Les participant·e·s se retrouvent chaque mercredi soir pour des matchs de soixante minutes.
Les joueurs et les joueuses de l'associaiton les Sportif·ve·s en pleine action Les joueurs et les joueuses de l'associaiton les Sportif·ve·s en pleine action
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Il fait chaud dans la salle d'UrbanSoccer à Nanterre, ce mercredi soir de juin. Les odeurs du terrain synthétique en vieux pneus remontent dans les narines. Les huit terrains couverts sont occupés par des équipes de football à cinq 100 % masculines. Sauf une, celle de la toute nouvelle association des Sportif.ve.s. Son but : favoriser la mixité dans le sport. Le jeu se joue entre deux équipes de cinq personnes. Chacune compte au moins deux filles ou deux garçons. C'est le deal pour pouvoir jouer chaque match.

Constitué en février en région parisienne autour d'un petit groupe de personnes, le collectif transformé en association depuis peu a fait boule de neige. Tous les mercredis soir, un terrain est réservé quelque part autour de Paris pour que deux équipes de cinq, plus deux remplaçant·e·s, puissent jouer. Depuis le début de l'année, ce sont ainsi 85 personnes qui se sont retrouvées en alternance pour jouer, dont 45 % de filles. Il n'y a pas d'engagement sur la durée, jouer se fait à la carte.

Le football reste un univers très masculin. En termes de licencié·e·s, il y a plus de deux millions d'hommes et de garçons en France, pour à peine 160 000 femmes et filles. Sur la plaquette de présentation des Sportif.ve.s, on peut lire : "Les préjugés envers les filles qui pratiquent le football sont parfois plus nombreux que dans d'autres sports. Nous appréhendons le problème dans les deux sens : prouver aux filles qu'elles n'ont aucune raison d'hésiter à se mettre au football et montrer aux garçons que jouer avec des filles n'enlève rien à la qualité de la partie."

Déborah Dechamps et Adrien Fulda, respectivement juriste et ingénieur de 28 ans, sont à l'origine du projet. Ce dernier explique : "Moi, j'ai toujours joué au foot. Quand je ramenais des copines, elles se prenaient des remarques sexistes." Il se fait la réflexion que lorsqu'elles veulent jouer à ce sport, les filles n'ont aussi pas forcément de réseau.

Quand l'initiative naît, le but est de libérer tout le monde : "Cela permet aux filles de se débrider et aux garçons d'arrêter leurs préjugés dans un cadre bienveillant", explique Adrien Fulda. Il ajoute : "Les garçons, même ceux qui jouent peu, n'ont jamais d'appréhension, ils ont toujours joué un peu au foot. Les femmes, il y a une barrière psychologique, même quand elles sont sportives." Depuis le début de l'année, ce sont déjà une trentaine de match qui ont été organisés.

Que ce soit les filles ou les garçons, tous les niveaux coexistent.

La plupart des personnes qui jouent ont eu vent de l'initiative par le bouche à oreille ou par le biais de la plateforme de networking MeetUp. "Je suis venu parce que c'est moins sérieux. Quand je joue avec mes collègues par exemple, il y a de l'animosité en mode "les gars de l'étage, on va les tuer !". C'est un peu ma bite et mon couteau", plaisante Anaël. Ce consultant en système d'information de 28 ans n'a loupé qu'un match du mercredi soir en trois mois de pratique.

Une pratique du football mixte qui libère les filles


Au but, Lucile, qui est inspectrice des impôts, arrête tous les ballons. Mais elle ne peut s'empêcher de s'excuser à chaque fois qu'elle relance la balle : "Désolé... ha désolé pardon c'était trop fort !". S'excuser en permanence, quelque chose que les garçons font en général beaucoup moins. Alors pour rassurer, Adrien joue le coach : "Bel arrêt ! Super Lucile !". Il s'explique : "Les garçons n'ont encore pas l'habitude de jouer avec les filles. On doit encore s'ajuster, les filles doivent oser jouer plus fort et les garçons un peu moins. Lucile, il y a trois mois elle ne savait pas jouer, aujourd'hui elle a mis un but. C'est une petite victoire pour nous."


"Ho, Anne, dommage !", s'exclame Gabriel après un tir cadré mais arrêté de sa coéquipière. On se soutient et l'on s'encourage. La joueuse se tord la cheville et sort pour se reprendre. Mais cette avocate de profession de 27 ans ne reste pas longtemps en dehors du terrain avant de vouloir rerentrer jouer : "Une amie m'a proposé de jouer et m'a expliqué le concept. J'ai accepté sans me rendre compte de cette 'anormalité' positive. C'est la première fois que je joue au foot. C'était aussi l'occasion de faire un sport collectif alors que quand on est adulte débutant c'est plus difficile de trouver une équipe". Elle se fiche des commentaires : "Autour de moi, certains me font des remarques pour me charrier. On a des débats féministes, ils sont dans la provoc' mais sinon, ils trouvent ça cool. J'ai eu la remarque une fois "c'est les sportives du dimanche !"".

Que ce soit les filles ou les garçons, tous les niveaux coexistent. Plus jeune, Maria a voulu devenir joueuse professionnelle au Mexique, son pays d'origine. Elle a commencé ce sport à l'âge de 6 ans et après plusieurs années de football à l'école, elle finit par abandonner l'idée par manque de coéquipières à l'âge de quinze ans. Aujourd'hui, à 26 ans, cette analyste pour Axa en France a souhaité reprendre la pratique : "Je jouais tout le temps au football avec mon frère et ses amis. A l'école de foot, j'ai joué avec des équipes de garçons". La pratique en mixité lui convient parfaitement : "Ce n'est pas pour le challenge, c'est juste pour jouer. Il y a moins de contact".

"Quand on est dynamique, on peut faire tous les sports"


Adrien sort et se fait remplacer : "Chuis mort, moi !". Soixante minutes à courir derrière un ballon, cela crève. Sur son engagement pour l'égalité, il répond : "J'ai trois soeurs, j'ai des potes filles qui jouent au foot et elles se prennent des réflexions, je n'aime pas ça. Selon la définition actuelle, je suis féministe. C'est cool de sentir que le projet parle, qu'il a du sens pour la société."

Le nom même de l'association est inclusif. Élaboré à l'écrit en écriture inclusive, comment dit-on son nom à l'oral ? La réponse, c'est Anne qui la donne : "Sportifeuveu". Tout simplement.

Le rôle de gardien·ne de but tourne, cette fois-ci c'est Maria

Parfois, il faut s'y reprendre à deux fois pour recruter des filles comme le raconte Élodie, une fonctionnaire de 26 ans. "Deborah Dechamps est l'amie d'une amie, elle a dû me harponner plusieurs fois pour que je vienne. Elle a insisté insisté, puis je me suis décidée à venir voir. Et en fait, c'est super, on transpire comme jamais !" Elle n'avait jamais pratiqué le foot auparavant, mais elle est sportive : "Je n'ai pas le niveau technique. Mais quand on est dynamique, on peut faire tous les sports. On essaie d'embrigader toutes les filles par le bouche à oreilles. J'en parle à tout le monde... sauf mon mec, il n'aime pas le foot."

Il y a aussi des petits réflexes, qui, mis bout à bout, changent tout et créer une atmosphère accueillante et bienveillante, comme cette phrase : "Dans l'autre équipe, c'est qui l'homme du match... ou la femme du match ?". A la rentrée, pour la première année complète de l'association, la plupart souhaite se réinscrire. Les Sportif·ve·s sont plein·e·s d'ambition et cherchent des mécènes et des entreprises partenaires. En plus des matchs chaque semaine, l'association organise des entraînements pour les personnes qui souhaitent se perfectionner. Elle a aussi organisé son premier tournoi début juin qui a réuni une quarantaine de personnes sur une demi-journée. Un nouveau tournoi aura lieu le 28 juillet prochain en région parisienne.

Ce mercredi soir-là, le match se termine à six buts partout. L'égalité parfaite, ce que souhaite transmettre les Sportif·ve·s.

Les personnes souhaitant s'inscrire à l'association Sportif·ve·s peuvent le faire sur cette page.

Page facebook des Sportif·ve·s

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