Prostituée bas de gamme de Casablanca au Maroc, Jmiaa sait jouer avec les codes du milieu interlope où elle vit par la force des choses. Dans la rue et le petit appartement où elle vit et travaille, on croise des personnages hauts en couleurs. Comme sa meilleure amie Samira, ou Chaïba, à mi-chemin entre client et amoureux, et Mouy sa mère.
Celle qui vient de province raconte comment autrefois elle fut mariée à un raté qui va la vendre à une connaissance pour éponger ses dettes. Un système finit par s'installer où c'est elle qui vent son corps pendant que lui rêve de magouilles. Elle se retrouve seule alors que son mari immigre en Espagne et continue de travailler.
Sauf qu'à trente-six ans, après quinze ans dans le milieu, sa vie va changer. Elle sait par le garagiste du quartier qu'une femme, une Marocaine installée en Hollande, veut la voir pour lui poser des questions. De fil en aiguilles, elle finit par se retrouver en haut de l'affiche quand cette réalisatrice, "Bouche de cheval", la choisit pour être l'héroïne de son prochain film.
Ce premier roman de Meryem Alaoui est une tornade. Il y a un petit côté Tontons Flingueurs dans la gouaille que Meryem Alaoui met dans la bouche de son héroïne Jmiaa.
Le livre fourmille tellement d'histoires truculentes qu'on croirait presque à une histoire vraie. C'est pourtant bien une fiction, nourrie d'anecdotes qu'on lui a racontées.
Comme par exemple, cette description de bagarre suite à la fuite d'un client parti sans payer : "Il était juste content d'être sorti de ma chambre avec la poche aussi pleine que ses bourses étaient vides. Je peux te dire que le gars a regretté tous les liquides de sa vie : celui qu'il a expulsé sur mon matelas, celui qu'il a préféré garder dans sa poche et celui qui lui est sorti par les trous de nez quand Houcine et son invité l'ont chopé en face du marchand de beignets. [...] Le gars, il est ressorti de cette fête improvisée comme un bout d'os d'un tagine de poulet. Bien rongé."
Meryem Alaoui raconte les choses comme elles sont, le sexe y est cru. Malgré le verbe haut de Jmiaa, il y a de la poésie dans ce livre écrit à la première personne comme un journal. L'héroïne nous emporte avec elle dans les rues de son quartier de Casablanca et à la rencontre de ses habitants. On découvre la vie quotidienne et les petites choses populaires du Maroc.
Jmiaa a du caractère et ne se laisse pas faire, elle arrive à se débrouiller dans les pires situations, elle sait ce qu'elle veut et surtout ce qu'elle ne veut pas. Pas question de vouloir l'embrouiller.
Meryem Alaoui, qui livre un des ouvrages les plus salués de la rentrée littéraire, finaliste du prix FNAC, nous a complètement attrapé avec son héroïne si attachante.
Si vous voulez lire un roman dans une langue française qui sort des sentiers battus. Si vous aimez les histoires de personnages cabossés mais qui ne se laissent pas abattre et les héroïnes qui savent se défendre.
La vérité sort de la bouche du cheval de Meryem Alaoui, Gallimard, 21€