Stress, anxiété, burn out... De plus en plus de Français consultent un spécialiste pour faire face aux pressions du quotidien. Selon un sondage Mediaprism réalisé en 2015 à l'occasion de la sortie du livre Le Petit Freud illustré, 33% des personnes interrogées ont déjà consulté un psy pour une thérapie de courte ou de longue durée. Chez les femmes, ce taux grimpe à 40%. De plus, 65 % (70 chez les femmes) des patients jugent la consultation chez un psy utile et un Français sur trois pense même que tout le monde devrait aller voir ce genre de spécialiste au moins une fois dans sa vie.
Mais voilà, il semble que pour beaucoup, prendre rendez-vous chez un psychologue serait devenu un luxe. Les consultations sont souvent chères, non remboursées (à moins qu'il ne s'agisse d'un psychiatre), mais aussi difficiles à caser dans un emploi du temps souvent déjà bien rempli. Et quand il faut parfois attendre plusieurs semaines avant d'obtenir un premier rendez-vous, en cas d'urgence, il peut s'avérer difficile d'en obtenir un à la dernière minute. C'est là qu'interviennent les consultations en ligne ou par téléphone qui permettent de parler avec un psy n'importe où et (presque) n'importe quand. Le principe : il suffit de se rendre sur le site et de choisir l'heure et le jour. Sur la Toile, la période d'attente pour un premier rendez-vous varie généralement entre un à deux jours. Et, pour les patients déjà habitués, certains spécialistes proposent même chaque jour des plages horaires où il se rendent totalement disponibles en cas d'urgence.
Pratique populaire aux États-Unis depuis une dizaine d'années, la web therapie se développe en France et touche des profils assez variés. "De 22 ans à environ 50 ans, les patients sont aussi bien des femmes que des hommes", explique Muriel Neff, psychothérapeute spécialisée dans le conseil conjugal et fondatrice d'Happy Life Psy, site de consultation en ligne. Parmi les patients, de nombreuses femmes actives à qui les horaires en cabinet ne correspondent pas, mais également des personnes à mobilité réduite ou handicapées, celles n'ayant pas la chance d'avoir un cabinet à proximité ou bien les expatriés pour qui la barrière de la langue est un frein. Les demandeurs d'emploi sont aussi particulièrement attirés par ce type de consultation, car moins chère d'environ 30%. Il faut savoir qu'une séance en cabinet avoisine les 50 euros, voire les 70 euros, quand une en ligne tourne autour de 35 euros. La psychothérapeute ajoute : "Contrairement à ce que les gens peuvent penser, je ne vole pas la clientèle de mes confrères. J'ai une toute autre clientèle : ce sont ceux qui, de toute façon, n'auraient jamais franchi la porte d'un cabinet".
Et quid de la durée du suivi ? Cela dépend le plus souvent du patient. Même si l'on remarque que ceux sur Internet consultent généralement sur une période moins longue : quelques semaines, voire quelques mois. Peu surprenant quand on sait que ces patients recherchent avant tout une forme de coaching plutôt qu'une véritable thérapie.
Mais qu'il s'agisse de coaching ou de thérapie plus profonde, tout comme les spécialistes en cabinet, les psy en ligne (psychologue, psychothérapeute, psychiatre) ont poursuivi un cursus universitaire ou en école spécialisée (entre niveau bac +4 et bac +7) - le minimum requis pour exercer. Une particularité qui, selon Muriel Neff, la différencie de certaines plate-formes psy disponibles 24h/24 et 7j/7 surfant sur le phénomène et où la plupart des intervenants n'ont pas spécialement suivi de formation. "Si je le voulais, j'aurais pu ouvrir un cabinet mais j'ai choisi d'adopter une autre approche. Travailler en ligne ne signifie pas travailler à la chaîne mais se rendre plus accessible. Et je suis la seule interlocutrice de mes patients. Car ce sont bien des patients que j'ai, et non des clients", rappelle la fondatrice d'Happy Life Psy, qui regrette que trop souvent l'on associe sa pratique à une dimension mercantile.
Avec les consultations en ligne, il y a un besoin de démocratiser une pratique, mais surtout de la désacraliser. Car consulter un psy est souvent assimilé à l'idée que l'on est "malade".
Alors, par peur ou parfois par honte, les gens vont préférer rester derrière un écran pour se confier. Chez soi, on se sent alors davantage en sécurité et la parole est plus libre.
Un comportement qui peut toutefois laisser perplexe certains spécialistes. Car l'un des éléments clés d'une thérapie est la confrontation à autrui - une personne étrangère à notre environnement mais qui n'en est pas moins bienveillante et au point de vue impartial. On peut alors penser que "dialoguer" avec son téléphone ne fait que renfermer un peu plus le patient qui, s'il se sent frustré, peut à tout moment décider d'interrompre sa consultation en ligne. Alors que rencontrer un thérapeute se présente comme une étape importante dans la quête du "mieux-être".
Pourtant, selon Cécile De Neuville, psychologue en cabinet et également présente sur Internet, le choix d'un docteur en cabinet ou en ligne et la fidélité qu'il va lui accorder n'auraient rien à voir avec cela. "On peut trouver tout type de psy, des bons et des mauvais. C'est vraiment ça qui fait la différence, peu importe qu'ils exercent en cabinet ou sur Internet.". Et d'ailleurs, selon une étude menée par l'American Medical Association, il semblerait que les consultations téléphoniques pour les patients souffrant de dépression soient tout aussi efficaces que celles effectuées en cabinet. De plus, les patients ayant consulté par téléphone seraient en moyenne moins nombreux à stopper leur thérapie.
Le monde évolue et ses pratiques aussi. On vit dans une société où chacun vit avec l'intime conviction que la rapidité est la clé de tout, même du bonheur. On cherche des réponses immédiates à nos angoisses et nos questions.
Répondre à ces attentes est un challenge pour la profession de psychologue "traditionnelle". Toutefois, Cécile de Neuville tient à rester optimiste quant à l'avenir des psys en cabinet. Également membre de la French Tech (un réseau d'applications) à Montpellier, elle explique : "A terme, les gens qui consultent sur Internet vont passer un cap. Et ça se confirme avec mes patients. Après plusieurs semaines de consultations en ligne, certains demandent à me voir. D'autres auront tendance à se tourner vers des forums et après venir consulter. Le développement individuel va se croiser avec le développement collectif. Il y a un allez-retour permanent. C'est une évolution mais certainement pas la fin".