Ce lundi 9 juillet, les parlementaires français étaient réunis en Congrès à Versailles pour un discours du président Emmanuel Macron. Durant cette allocution, le président de la République a fait son bilan de l'année. Il s'est (entre autres) félicité de son action pour l'avancée de l'égalité femmes-hommes.
"Ce combat, souvenez-vous, a d'abord surpris. A certains, il avait même peut paraître dérisoire, lorsque dès avant mon élection, je m'étais engagé en faire la grande cause du quinquennat [...]
Nous avons, ce faisant, précédé un mouvement mondial. La France, lorsque ce mouvement a surgi chez nous, était prête et consciente. De cela, nous devons être fiers, nous n'avons pas suivi le mouvement. Nous l'avons anticipé parce que le respect et la considération ne se négocient pas dans une société républicaine et lorsqu'ils reculent, c'est toute la société qui recule."
On n'est pas encore champions du monde, mais nous avons un président champion du monde de la récupération. Alors, pour commencer, il a fallu que les États-Unis lance le mouvement #MeToo pour que de ce côté-ci de l'Atlantique, des femmes osent parler de leurs expériences avec le hashtag #BalanceTonPorc. Un mot-clé décidé spontanément qui n'a pas plus à tous les ergoteurs et qui, contrairement à ce que certains et certaines ont prétendu, n'a pas balancé tant de noms.
La Cinémathèque de Paris avait invité Roman Polanski en personne en octobre 2017 pour une rétrospective de son oeuvre. Rappelons que le réalisateur est accusé par cinq femmes d'agressions sexuelles lorsqu'elles étaient mineures dans les années 1970 et 80. Dans le même temps, Polanski a été viré de l'Académie des Oscars.
La fois où Brigitte Bardot a qualifié les actrices qui dénoncent comme "des allumeuses"
L'icône internationale du féminisme et de l'amour de son prochain, Brigitte Bardot, a qualifié les actrices qui dénonçaient le harcèlement comme des "allumeuses". Voilà la belle image de vieille croûtonne misogyne que doit subir la France jusqu'au fin fond des villages russes qui vénèrent autant Bardot que Gérard Depardieu.
Spécial dédicace à Dominique Strauss-Khan, notre meilleur ambassadeur outre-Atlantique. Grosse pensée à tous ceux et toutes celles qui ont douté de la véracité des propos de Nafissatou Diallo, la femme de chambre attaquée par DSK. On citera un homonyme, le journaliste Jean-François Khan et sa réduction de l'affaire à un "troussage de domestique", mais aussi à l'ex-député socialiste Jean-Christophe Cambadélis qui a affirmé que ce comportement ne lui "ressemblait pas" . L'Histoire leur donnera (ou pas) raison. On pourra aussi citer Denis Baupin qui a fait régner la terreur chez les Vertes.
Actrice d'envergure internationale, Marion Cotillard a déclaré (sûrement pour faire briller la France) : "Je ne me considère pas comme une féministe. Il faut se battre pour les droits des femmes, mais je ne veux pas que cela sépare les hommes et les femmes. Pour moi, ça ne crée pas d'égalité mais une séparation. Nous devons nous battre pour le droit des femmes mais je ne veux pas que cela sépare les femmes des hommes. Parfois, dans le mot féminisme, il y a trop de séparation." Et les fois où ses consoeurs Lou Doillon et Mélanie Thierry ont aussi déclaré ne pas être féministe.
Quand vous, monsieur Emmanuel Macron, avez nommé votre cabinet en 2017, on y a trouvé huit hommes et une seule femme. On compte aussi la fois où vous nous aviez promis une femme première Ministre et celle où votre volonté était d'avoir une femme présidente de l'Assemblée Nationale.
Le secrétariat d'État à l'Égalité hommes-femmes n'a pas souhaité augmenter sa subvention à l'Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT) alors que ses moyens n'ont pas augmenté depuis 13 ans et alors que #MeToo est passé par là. Submergé d'appel, le standard avait même dû être coupé face à la surcharge de travail. Pour Marylin Baldeck, présidente de l'AVFT, ce refus d'octroyer les subventions nécessaires au bon fonctionnement de l'association est "symptomatique du fossé abyssal qui sépare les besoins des victimes de la réponse de l'État".
La fois où Alain Finkielkraut a déclaré que #Balancetonporc servait "à noyer le poisson de l'islam"
Le philosophe, gourou du zen et de la logique, Alain Finkielkraut a déclaré en novembre 2017 : "L'un des objectifs de la campagne #Balancetonporc était de noyer le poisson de l'islam: oubliée Cologne, oubliée la Chapelle Pajol... (...) et puis patatras, les noyeurs de poisson attrapent, bien malgré eux, un très gros poisson islamiste qu'ils ne peuvent pas rejeter à la mer. Car Tariq Ramadan n'est pas seulement accusé de harcèlement, mais de viol et de coups et blessures." Bien joué, les filles ! On applaudit des deux mains. Mission réussie pour ce complot mondial des femmes.
Nos meilleures ambassadrices de la drague à la française se sont fendu d'une tribune sur la liberté d'importuner. Elles dénonçaient notamment un "vague purificatoire ne [semblant] connaître aucune limite." Elles ne se reconnaissaient pas "dans ce féminisme qui, au-delà de la dénonciation des abus de pouvoir, prend le visage d'une haine des hommes et de la sexualité. Nous pensons que la liberté de dire non à une proposition sexuelle ne va pas sans la liberté d'importuner." Belle honte planétaire alors que l'une des signataires n'est autre que Catherine Deneuve, icône de la "fââme" française jusqu'au Japon.
A une heure de grande écoute, dans l'émission Quotidien, une émission plébiscitée par les jeunes, l'autrice Catherine Millet a déclaré en janvier : "Si c'est quelqu'un qui vous réveille toutes les nuits, oui, vous pouvez déposer plainte, ça oui, c'est du harcèlement, on peut en avoir marre. Mais le type qui a un mot grossier quand on le croise dans la rue, qui essaie de vous peloter (...), les frotteurs du métro : ce n'est pas du harcèlement."
Sophie de Menthon, cheffe d'entreprise que l'on invite partout sur les plateaux pour vomir sa haine du féminisme, a blâmé en début d'année les victimes d'agressions : "Il faut apprendre aux filles qu'elles sont désirables et que ce désir peut être la cause de violences, et qu'il ne faut pas afficher non plus de provocations, partout, sans aucun égard pour ceux qui les regardent".
En 2015, elle estimait déjà que se faire siffler dans la rue était "plutôt sympa". En avril 2018, elle racontait : "Il y a une espèce de vague presque haineuse envers les hommes. J'ai l'impression qu'on est parti sur une tendance et un combat qui vont plutôt à l'encontre de ce qu'il faudrait faire", "Alors je sais pas mais j'étais en train de réfléchir et je me disais, qu'au fond, si mon mari ne m'avait pas un peu harcelée, peut-être que je ne l'aurais pas épousé." Classe.
La fois, oui, parce que, n'en demandez pas trop, ça n'arrivera qu'une fois, en 70 ans. C'était en 1993. En 2018 à Cannes, sur 21 films en compétition, seuls trois étaient réalisés par des femmes.
A part Luc Besson, aucun homme du cinéma français n'a été inquiété par la vague #MeToo. Médiapart révèle que le réalisateur du Grand Bleu est accusé depuis lundi 9 juillet par trois femmes supplémentaires d'agressions sexuelles. Une première actrice, Sand Van Roy, avait porté plainte au mois de mai dernier. Mais à part lui, la vague de libération de la parole des femmes a eu une onde de choc bien moindre qu'aux États-Unis dans le microcosme médiatique et cinématographique. On notera le gros flop de la campagne #MaintenantOnAgit courageusement lancée par la Fondation des Femmes et trop timidement soutenu lors de la cérémonie des César 2018.
Bref, malgré quelques avancées, la France a plus brillé pour sa beaufitude et sa conception dévoyée de la séduction que par ses actions en faveur des femmes. On aurait pu ajouter la fois où Bertrant Cantat a fait la Une des Inrocks, celle ou l'animateur Tex a expliqué à propos de #MeToo : "A l'école, ceux qui balançaient, on les chopait dans un coin et on leur pétait la gueule." Et celle où, accusé d'agressions sexuelles, le journaliste-star de la chaîne LCP Frédéric Haziza, a réintégré son poste ni vu ni connu après une suspension.
Restons humble, monsieur Emmanuel Macron. Et soutenons le travail bien déblayé par les associations qui luttent chaque jour pour les droits des femmes.