Hillary Clinton aux États-Unis, Keiko Fujimori du Pérou, Dilma Rousseff au Brésil ou encore Park Geun-hye en Corée du Sud : autant de femmes qui auraient dû accéder à la fonction suprême si elles n'avaient pas perdu les élections présidentielles dans leur pays, ou contraintes à la démission après avoir été mêlées à un scandale de corruption.
Dans un article publié lundi 9 janvier, le Washington Post explique que l'année 2016 a été désastreuse pour les femmes dirigeantes politiques. Alors qu'en 2014, le monde comptait 18 femmes à la tête de nations, elles ne sont plus aujourd'hui que 9 à occuper la plus haute fonction politique dans leur pays. Soit le même nombre de femmes leaders qu'en 2009.
Pour parvenir à un tel constat, le Washington Post a recueilli des données pour chaque candidat ou parti politique ayant obtenu au moins 5% du vote populaire dans les récentes élections à la magistrature suprême d'un pays. Au total, plus de 350 partis et candidats s'étant présentés à 105 élections présidentielles et législatives depuis janvier 2014 ont été passés au crible.
Un quart des candidats à ces élections étaient des femmes. Mais seules 5 les ont remportées. Sur ces 5 femmes, 4 étaient déjà au pouvoir. La cinquième, Aung San Suu Kyi, a légalement remporté les élections en Birmanie après avoir obtenu le soutien du président du Parlement, qui a exclu toute modification de la Constitution qui lui interdisait de se présenter.
Le Washington Post note que la dernière femme à avoir été élue démocratiquement au suffrage universel direct est la Première ministre norvégienne Erna Solberg en septembre 2013.
Comment expliquer cette diminution drastique de femmes comme dirigeantes nationales ?
Pour Kelsey Coolidge et Curtis Bell qui signent l'article du Washington Post, si les femmes constituent des candidates crédibles aux élections nationales, elles restent généralement moins populaires que les candidats masculins, mieux ancrés qu'elles dans le système politique et portés par des campagnes fortes. C'est le cas notamment en Colombie, aux Fidji, en Irlande, en Serbie, au Portugal, en Grèce et en Nouvelle-Zélande, où les candidates ont été défaites aux élections. À l'instar de la Suède, il arrive aussi qu'elles perdent lorsqu'elles sont à la tête de partis plus marginaux, et donc moins populaires auprès des électeurs.
Mais surtout, notent les deux auteurs, cette affaiblissement net des femmes en tant que leaders politiques est incontestablement lié à la monté des populismes partout dans le monde. Le cas d'Hillary Clinton, grande perdante de l'élection américaine face à Donald Trump, en est l'exemple le plus frappant.
En Inde, c'est le nationaliste Narenda Modi qui a défait la candidate du Parti du Congrès Sonia Gandhi. Même chose au Guatemala, où l'ancienne Première dame et militante Sandra Torres s'est inclinée aux élections d'octobre 2015 face à Jimmy Morales, un comédien sans expérience politique et étiqueté le "Donald Trump du Guatemala".
"La montée d'outsiders populistes peut désavantager les candidates car ces mouvements avancent des positions plus conservatrices sur les droits des femmes, tout en dénigrant l'importance de l'expérience politique traditionnelle. C'est à souligner parce que les femmes sans expérience politique sont beaucoup moins susceptibles de briguer ces postes que les hommes inexpérimentés", expliquent les auteurs dans le Washington Post. Résultat : les CV impressionnants des femmes politiques finissent par les desservir. "En affaiblissant la valeur que placent les électeurs dans l'expérience politique traditionnelle, les candidats politiques minent la plus grande force de beaucoup de femmes candidates", poursuivent-ils.
Cette dynamique risque cependant d'évoluer en 2017, de nombreuses femmes s'appuyant elles aussi sur des arguments populistes et "anti-système" pour espérer gagner les élections. C'est le cas de Birgitta Jonsdottir, leader du Parti Pirate islandais, de Keiko Fujimori, leader du Parti péruvien anti-establishment Force Populaire et évidemment de Marine Le Pen. Pas sûr qu'il faille s'en réjouir.