Manal, 23 ans, a deux identités. Dans la rue, elle s'appelle en effet Ahmed et se comporte comme un garçon agressif et sûr de lui. C'est à l'âge de 8 ans que cette jeune mère de trois enfants nés dans la rue est devenue sans domicile fixe, et c'est à 10 ans qu'elle a commencé à s'habiller comme un garçon et à se raser la tête. Ainsi déguisée, elle a exercé divers métiers traditionnellement réservés aux hommes, empruntant le prénom Ahmed qui lui est resté. "Les garçons jouissent d'une liberté totale dans la rue, ce qui n'est pas le cas des filles", explique la jeune fille à Patrick Kingsley, journaliste pour le Guardian. Avant d'ajouter : "Je veux juste être un garçon".
Le journal britannique consacre en effet un long article à ces jeunes filles qui se déguisent en garçons afin de survivre dans les rues du Caire, qui abrite un nombre très important de sans domicile fixe. Régulièrement, des voix s'élèvent pour supplier les pouvoirs publics de trouver des solutions pour endiguer ce problème, certains allant jusqu'à proposer de créer une ville parallèle pour accueillir ces sans-abris. Parmi cette population, on compte par ailleurs une proportion énorme d'enfants des rues. Le gouvernement égyptien estime leur nombre aux alentours de 16 000, quand l'Unicef en dénombrait en 2007 au moins 600 000.
S'habiller en homme, c'est le stratagème appliqué depuis déjà plusieurs années par de nombreuses adolescentes pour passer inaperçues dans les rues du Caire. Au point de réussir à duper les services sociaux. Ainsi jusqu'à récemment, ceux-ci pensaient que les gamins des rues étaient uniquement des garçons, jusqu'à ce qu'un enfant sans abri bien connu des services sociaux ne débarque en se plaignant de saignements. Après examen médical, il s'est avéré qu'il s'agissait d'une fille et qu'elle avait tout simplement pour la première fois ses règles. La tête rasée et les seins bandés, elle s'était fait passer pour un garçon pendant des mois pour ne pas attirer l'attention dans la rue et pour pouvoir être accueillie dans les abris réservés aux hommes.
Ces jeunes filles confient se déguiser aussi bien pour éviter les agressions sexuelles que pour se sentir plus à l'aise dans les rues du Caire. Habillées en garçons, elles peuvent fumer, crier ou tout simplement traîner dans les rues sans être réprimandées, un comportement qu'on interdit généralement aux filles dans ce pays où l'espace public est traditionnellement dominé par les hommes.