"Et voilà un petit pas dans la lutte contre l'hypersexualisation des corps féminins !". C'est avec enthousiasme (et emojis biceps à l'appui) que la newsletter féministe Les Glorieuses a accueilli la nouvelle. Comme une envie de faire péter le champagne, avec ou sans champions. La raison de cette ferveur ? Les récentes déclarations de Christian Prudhomme, le directeur du Tour de France. Le patron de la course cycliste l'a affirmé : "Vous aviez l'habitude de voir le champion [du Tour] entouré de deux hôtesses. Là, ce sera différent, avec une hôtesse et un hôte pour la première fois". C'est tout le protocole tradi des hôtesses du Tour qui se voit déboulonné.
Et cette modification notable signe (peut-être) la fin d'une longue lutte. Il faut dire que cela fait longtemps que militantes et esprits critiques sensibilisent l'opinion publique quant à l'aspect problématique de ces hôtesses qui félicitent les athlètes sur les podiums.
En 2019, Fatima Benomar, cofondatrice de l'association Les Effronté·e·s, expliquait encore pourquoi une introspection s'imposait: "La cérémonie de remise de prix consiste à donner aux 3 meilleurs cyclistes un bouquet de fleurs, une douche de champagne, un maillot de vainqueur et... des baisers sur les joues de la part de deux jeunes femmes ! Les baisers des femmes ne sont pas des récompenses ! Les femmes sont des sportives, des athlètes, battent des records. Les femmes ne sont pas des potiches ou des objets sexuels".
Des contestations qui ont finalement été entendues. "Notre mobilisation a porté ses fruits !", se félicite d'ailleurs Fatima Benomar sur Twitter. La militante se permet également de rappeler qu'en 2017, le coureur Jan Bakelants avait affirmé qu'il aurait toujours "un paquet de préservatifs" sur lui parce qu'on "ne sait jamais où (les hôtesses) vont sortir". Une anecdote qui en dit long sur cette hypersexualisation tant fustigée...
Avec cette volonté de reconfigurer le rôle des hôtesses au profit d'une plus nette égalité des sexes, Christian Prudhomme semble (enfin) réagir à ce flagrant délit de sexisme. La (grande) boucle semble bouclée pour les militantes, après des années de protestations. Exemple ? En 2013, une page du site L'Equipe nous invitait à voter pour la plus belle hôtesse du Tour, "ces jeunes femmes [qui] grimpent sur le podium pour féliciter les champions et se faire claquer la bise". Charmant. On comprend mieux pourquoi des pétitions réclamaient au fil des ans la fin de cette tradition sexiste. En 2018 encore, des élus parisiens du groupe Démocrates et Progressistes exigeaient l'évolution d'une tradition "révélatrice des rapports femmes-hommes datant d'une autre époque".
On s'en doute, les déclarations du directeur du Tour, volontiers lues de travers, ont fait bouillir bien des esprits sur la Toile. Il suffit d'observer les réactions viscérales suscitées par la publication du journal Libération : un concentré de "on ne peut plus rien faire/dire", une flopée de remarques sexistes et d'insultes à l'adresse des "féministes moches", le tout servi avec un brin de racisme virulent à l'appui. Florilège : "Le féminisme, c'est des femmes moches qui se trimbalent seins nus qui vont expliquer à des belles femmes habillées classe qu'elles ne doivent plus faire ça", "Ce serait bien qu'ils fassent quelque chose pour cacher les jambes des coureurs aussi, c'est trop suggestif et indécent", "Le monde entier a désormais une preuve irréfutable que le féminisme est dangereux".
Pourtant, comme le précise Christian Prudhomme, ce protocole plus égalitaire (un homme, une femme) "est nouveau, mais on le faisait déjà sur d'autres courses depuis vingt ans comme sur Liège-Bastogne-Liège". Que les machos se rassurent, le ciel ne va donc pas leur tomber sur la tête. Rien de très révoltant à l'idée d'un podium mixte, si ?