Repérée par Courrier International, cette énième histoire de violences domestiques et le jugement qui en a découlé ont de quoi prouver que le système patriarcal qui profite aux auteurs de violences a de beaux jours devant lui.
Le procès en question s'est déroulé à Viseu, dans le centre du Portugal. Selon le quotidien Público , qui l'a relaté dans son édition du samedi 9 décembre, il opposait une femme à son mari, qu'elle accuse de violences domestiques durant les six années qu'a duré leur relation.
Malgré toutes les preuves des violences infligées par son époux durant des années ainsi que son témoignage accablant, la plaignante a vu sa requête déboutée par le collectif de juges. Ces derniers ont en effet décidé de ne pas prendre en compte son témoignage car elle serait apparue durant l'audience comme "moderne, consciente de ses droits, autonome, non soumise, percevant son propre salaire, indépendante de son mari."
Selon la cour de justice, il est donc impossible que cette femme ayant un "fort caractère" ait pu "accepter tant d'abus, et durant si longtemps, sans les dénoncer". Enfin, ont-ils conclu, "elle n'avait pas d'enfants, donc la première chose qu'elle pouvait faire, c'était quitter le foyer".
Ne connaissant visiblement rien au mécanisme de violences au sein du couple et ignorant tout des difficultés pour les femmes de violences de quitter leur bourreau, les juges ont par ailleurs acquitté le mari des différents crimes de violence domestique, d'atteinte à la vie privée et d'injures. Il a seulement été condamné pour possession d'armes à feu. Pourtant, rapporte Público, suite à la plainte déposée par son épouse pour violences domestiques en juillet 2014, il a été fiché au système national de surveillance électronique et était interdit d'entrer en contact avec la victime. Des messages incriminants ont aussi été trouvés sur le téléphone portable de sa femme, qui a décidé de faire appel.
La décision de justice du tribunal de Viseu a été largement commentée au Portugal. De nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer le traitement des affaires de violences domestiques qui profite toujours aux agresseurs. "Ça fait froid dans le dos, ce jugement est chargé de stéréotypes, d'idées préconçues", s'est indignée dans Público Sofia Neves, chercheuse à l'Université de Lisbonne et militante féministe.
De son côté, Manuela Paupério, présidente de l'Association syndicale des juges a défendu les magistrats contre la "mode du politiquement correct" qui nuit à "l'indépendance des juges". Ces derniers seraient d'ailleurs "sous pression" et auraient "peur", a-t-elle affirmé dans le Diário de Notícias.
Ce n'est pourtant pas la première fois que la cour de justice rend un verdict sujet à controverse. Selon le Correio da Manhã, le tribunal de Viseu a récemment innocenté un homme accusé de violence domestique et a reproché à la plaignante de ne pas avoir pris de photos des marques d'agression et d'être tombée enceinte de l'agresseur présumé.
En octobre dernier, une histoire similaire avait défrayé la chronique au Portugal : une victime de violences conjugales avait été déboutée au motif qu'elle l'aurait trompé avec un autre homme pendant deux ans avant de mettre fin à leur relation. Pendant le procès, les juges avaient mis en cause l'"immoralité sexuelle" de la plaignante qui aurait causé une "profonde dépression" de son mari. Pour avoir attaqué sa femme avec une batte cloutée, ce dernier n'a écopé que d'une peine légère.