Frédéric Beigbeder : Bien sûr, d’autant plus que c’est mon métier et que je le fais de façon assez franche… J’attends donc des autres la même franchise sur mon travail… Je sais que tout le monde ne peut pas aimer ce que je fais, d’autant plus que je le fais de manière assez personnelle, mais je me rassure avec la phrase de Sacha Guitry : « Je ne veux pas plaire à tout le monde, car ce serait plaire à n’importe qui ». Je m’en tiens là, si les gens n’aiment pas c’est qu’ils ne sont pas comme moi, ils ne peuvent pas comprendre. En revanche ceux qui m’aiment…
F. B. : J’avais envie de faire ce que je fais dans mes romans. Quelque chose de satirique, corrosif, et un peu cynique. Parler d’amour avec lucidité, en essayant toujours de décrire un certain milieu social, un milieu bourgeois, un peu parisien mais pas seulement. Se moquer, comme je l’avais fait dans « 99 Francs », d’un métier, en l’occurrence l’édition. Montrer ce que c’est qu’une éditrice méchante, un auteur maudit, et aussi le cirque de la promo. On voit dans le film un prix littéraire, le Grand journal de Canal + où j’ai travaillé… Tout ça pour faire une comédie que j’espère élégante sur un sujet éternel.
F. B. : Oui bien sûr, c’est du cinéma autobiographique, intime. Je crois que lorsqu’on parle de soi honnêtement, on peut forcément toucher les autres, et qu’en revanche si on fabrique, si on ment, si on déforme, on perd la vérité. On pourra m’accuser d’être narcissique, de manquer de curiosité pour les autres milieux, mais je préfère parler de ce que je connais.
F. B. : C’est arrivé comme un accident de la vie, on me l’a proposé et ça m’a paru possible, j’ai eu l’impression que j’avais suffisamment d’expérience, et suffisamment d’envie. Je me suis dit que je pouvais essayer de prolonger ma réflexion littéraire sur ce sujet, par une « vision » en images. Mais ça ne m’empêchera pas de continuer à participer à des scénarios sans réaliser le film. Je ne me suis pas fixé de règle.
F. B. : Non pour moi écrire un roman ou écrire un film, ça signifie toujours rester enfermé pour écrire. C’est ça que j’aime. Malheureusement pour moi parce que c’est parfois très pénible… Si je vais continuer ? J’aimerais bien. Je me suis énormément amusé.
F. B. : C’est compliqué, ce sont d’autres douleurs ; c’est –à-dire que vous avez des gens à gérer, à convaincre, à diriger, mais c’est joyeux, et très vivant. On sort de son angoisse solitaire pour une angoisse collective ! Cette angoisse-là est peut-être plus jubilatoire…
F. B. : D’abord le livre, malheureusement, n’est plus au centre de la société, le cinéma oui. Au cinéma vous parlez à tout le monde. Un livre qui se vend vraiment très bien, comme un roman d’Anna Gavalda par exemple, touche 800 000 personnes. Un film qui cartonne c’est 20 millions de téléspectateurs. Il est plus amusant quand on est un artiste, et quand on a la prétention de dire quelque chose, de le dire à beaucoup de monde. Au 19e siècle tous les romanciers voulaient écrire du théâtre, - pour coucher avec des comédiennes, certes - mais aussi parce que c’était l’art majeur le plus prestigieux. Le cinéma représente surtout une occasion de s’exprimer dans une autre langue. Si on lit « L’amour dure trois ans », et qu’on le compare au film, on découvre qu’ils n’ont que très peu de choses en commun et pourtant on retrouve, je l’espère, le même ton.
F. B. : Oui bien sûr, c’est très drôle de corriger un livre déjà écrit. Chose qui n’arrive jamais. On peut déceler sans doute dans le film un peu de la maturité de l’auteur, du jeune homme dépressif au vieillard libidineux ! (rires) Il y a en tout cas une envie de dire que l’amour est peut-être provisoire, illusoire, tout ce qu’on veut, mais c’est beau, c’est une belle escroquerie, une belle catastrophe qui vous tombe dessus. Aujourd’hui j’essaie d’agiter ces questions du couple et de l’usure du désir, du mystère et des rencontres, avec davantage d’humour et de fantaisie, et moins de pessimisme. C’est peut-être aussi l’air du temps qui m’influence : en 1997 la période était moins difficile, on pouvait se permettre de cracher sur l’amour, mais aujourd’hui c’est la seule utopie qu’il nous reste.
F. B. : Ma théorie c’est que toutes les théories sur ce sujet sont débiles, et que chacun doit se démerder. Ma théorie c’est celle de Woody Allen, « Whatever works », si jamais pour être heureux vous devez vous habiller en latex, être homo, échangiste, faites-le !
F. B. : Institution révolue à mon avis, parce que créée à une époque où la religion dominait les codes de conduite. Pour moi ça n’a pas de sens, mais si ça en a pour quelqu’un d’autre, je le respecte.
« L’amour dure trois ans », de Frédéric Beigbeder, avec Louise Bourgoin et Gaspard Proust, en salles le 18 janvier.
Bande-annonce
Crédit photo : Magali Bragard
© 2011 The Film - AKN Productions - EuropaCorp - France 2 Cinéma - Scope Pictures
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