Culture
Louise Bourgoin : « Beigbeder a honte de son côté fleur bleue »
Publié le 18 janvier 2012 à 09:00
Par Marine Deffrennes
Pour son premier film, adaptation de son roman « L’amour dure trois ans », Frédéric Beigbeder a choisi Louise Bourgoin pour incarner Alice. Une belle plante déjantée qui tombe amoureuse du plus cynique des trentenaires parisiens. Débrief d’un tournage tout en improvisations…
Louise Bourgoin : « Beigbeder a honte de son côté fleur bleue » Louise Bourgoin : « Beigbeder a honte de son côté fleur bleue »© Magali Bragard/2011 The Film - AKN Productions - EuropaCorp - France 2 Cinéma
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Terrafemina : A votre avis, pourquoi avez-vous été choisie par Frédéric Beigbeder ?

Louise Bourgoin : Au Grand Journal, on était « collègues », et je me souviens qu’à l’époque il avait vu mes pieds, un jour où je portais des chaussures à talons ouvertes, et il m’avait dit « tes pieds sont très bizarres ! » Je le savais, quand je vais essayer des chaussures dans les magasins les vendeuses se foutent de moi, et il m’avait dit, « c’est énorme, on dirait des petits beurre de Lu ! » Il a gardé cette réflexion dans le film… En fait il a choisi des acteurs qui le faisaient penser à ses personnages de base, moi je ressemblais beaucoup à son ex, Alice, j’ai le même genre de caractère. D’habitude les réalisateurs arrivent avec leur vision du personnage et nous demandent de l’illustrer, Frédéric voulait absolument que nous donnions de nous-mêmes, c’est presque devenu une télé-réalité.

TF : Comment était-il sur le tournage ?

L. B. : Il était très spectateur. Je pensais qu’en tant qu’auteur il serait attaché au moindre mot, mais pas du tout. Après deux prises, il disait : « Je suis lassé de moi-même ! J’ai envie que vous gardiez le sous-texte mais que vous improvisiez ». Et il ne coupait jamais ! Les producteurs étaient livides et complètement stressés, il nous laissait faire des improvisations d’un quart d’heure, comme dans la scène du micropénis avec Nicolas Bedos : au départ on était juste censés faire semblant de faire l’amour, et le dialogue a dévié…

TF : Les charmes d’un premier film ?

L. B. : Oui sans doute, sur le tournage de son premier film, « Sweet Valentine », Emma Luchini aussi prenait beaucoup de libertés par rapport au script. Elle disait justement que le pire ennemi d’un film c’est le scénario, qu’il faut savoir s’adapter aux contraintes et évènements imprévus, et pouvoir réécrire au pied levé. Pourtant je pense que si Frédéric tourne un autre film, il aura les mêmes réflexes et les mêmes envies, c’est sa façon d’aimer le cinéma, et pour les comédiens c’est très intéressant. D’ailleurs je tournerai encore volontiers avec lui, il était très détendu, c’est un vrai plaisir.

TF : Aviez-vous lu « L’amour dure trois ans » avant de travailler sur ce film ?

L. B. : Oui bien sûr ! J’avais trouvé le bouquin rafraîchissant. Beigbeder a le sens de la formule. Pour moi c’est une sorte de « Sex and the City » pour les hommes… Mais le livre est très auto-centré sur Marc Marronnier, ses rapports avec les hommes, son travail, sa famille, etc. Tandis que dans le film, Frédéric a donné plus de place aux femmes, elles sont beaucoup plus incarnées.

TF : Que vous inspire le cynisme désenchanté de Marc Marronnier ? Séduisant ou agaçant ?

L. B. : Je pense que cette attitude est une forme de pudeur, qu’on pourrait presque comparer à la préciosité. Finalement le cynisme ne fait que mettre en valeur une sorte d’amour blessé ou refoulé. Marc est traumatisé par sa relation précédente, il devient désenchanté à la manière de Cioran, mais c’est loin d’être définitif puisqu’avec Alice, ça repart. Je vois Frédéric comme quelqu’un de romantique mais qui a honte de ce côté fleur bleue, et qui le désamorce avec de l’ironie et du cynisme, dans une forme d’humour à l’anglaise.

TF : Qu’avez-vous apporté au personnage d’Alice ?

L. B. : Elle me ressemblait déjà tellement à la lecture, dans sa folie, son côté déjanté et sa façon d’aimer corps et âmes, que je n’avais pas grand-chose à composer ou à inventer. Frédéric nous a fait réécrire plusieurs passages du scénario pour qu’on se l’approprie, si bien que finalement Alice c’est moi, face à un mec misogyne, alors que je suis féministe. C’est vous dire si les crises que je pique viennent du fond du cœur !

TF : Une féministe face à deux cyniques…

L. B. : En effet… D’ailleurs sur le plateau, entre Gaspard Proust, Beigbeder, et Nicolas Bedos, les réflexions misogynes fusaient tellement que parfois j’avais l’impression d’être Jeanne d’Arc voulant convertir des gens à la foi catholique ! Quand je leur disais que je voulais avoir des enfants et rester le plus longtemps possible avec un mec, ils éclataient de rire… Gaspard est en permanence dans la vie comme dans son spectacle, macho avéré avec des paroles et un humour dur et grinçant, j’ai travaillé plusieurs semaines avec lui et je ne sais toujours pas s’il est resté bloqué dans le personnage de son spectacle ou s’il est naturellement comme ça.

« L’amour dure trois ans », de Frédéric Beigbeder avec Gaspard Proust et Louise Bourgoin, en salles le 18 janvier.

Bande-annonce


Crédit photo : Magali Bragard
© 2011 The Film - AKN Productions - EuropaCorp - France 2 Cinéma - Scope Pictures

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