Une vieille dame achète une brique de lait dans une épicerie quelconque d’un quartier grisâtre de Londres. Voûtée, la démarche hésitante, elle aperçoit sa photo à la Une d’un journal : Margaret Thatcher, l’ancienne Premier ministre du Royaume-Uni de 1979 à 1990, qui régna pendant près de quinze ans sur le parti conservateur, est attendue pour une inauguration officielle. En un instant, le spectateur saisit le décalage de cette personne âgée avec le monde contemporain, et sa lutte simultanée pour s’accrocher à un présent qui ne daigne lui accorder qu’une place potiche dans la vie publique. Puis la stupéfaction succède à la fulgurance : on croit reconnaître Meryl Streep sous les traits de cette mamie pâle à demi-effacée. Signe de la plus délicate des réussites, le spectateur oublie vite le maquillage parfaitement ressemblant de l’actrice, pour se perdre avec émotion dans les replis de son visage si expressif. Meryl Streep n’est pas dans le mimétisme, elle est dans l’incarnation.
« The Iron Lady » refuse la voie naturaliste du biopic linéaire pour lui préférer celle de l’imaginaire, subjectif et lacunaire. Plutôt que de retracer le parcours détaillé de Margaret Thatcher et l’impact de ses réformes sur la marche du pays, la réalisatrice a décidé d’imaginer la vie que peut mener aujourd’hui cette vieille dame très discrète. Âgée de plus de 80 ans, en proie à la démence, elle vit hantée par le fantôme de son mari Denis (Jim Broadbent), mort en 2003. Choix paradoxal que de congédier la réalité historique, complexe et massive, au profit d’une brèche fantasmée (et bienveillante, ce qui ne manquera pas d’agacer outre-Manche) dans l’intimité d’une dame sénile. L’entreprise aurait d’ailleurs pu tourner à la mièvrerie voire au ridicule. Mais encore une fois, c’est Meryl Streep qui joue. C’est elle qui se repasse les cassettes vieilles de cinquante ans de ses vacances à la plage. Elle qui dialogue toute la journée avec un mort adoré dont elle a sacrifié l’exubérante compagnie pour faire carrière. Elle qui rumine des phrases incompréhensibles, égrenant à l’infini le chapelet de sa mémoire.
Les mordus de politique déploreront sans doute ce parti pris narratif qui réduit l’ascension de la dame de fer à quelques événements clés (élections, attentats, guerre des Malouines, etc.). Et pourtant, c’est en montrant les ratés de sa vie de famille, son isolement politique dû à son statut de femme issue d’une catégorie sociale inférieure, que l’on peut saisir l’extrême modernité de Margaret Thatcher. Le dilemme entre vie de famille et carrière professionnelle, l’énergie décuplée pour résister au sexisme sont des problèmes auxquels elle fut confrontée vingt ans avant l’ensemble de la gent féminine. On regrette néanmoins que ce portrait « féministe » policé occulte la sombre ardeur qui fit de la dame de fer un animal politique tant redouté.
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Élodie Vergelati
Crédit photo : Alex Bailey
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