La première femme réalisatrice saoudienne présentera vendredi soir son premier long métrage à la Mostra de Venise. Haïfa Al Mansour s’était déjà faite remarquer avec plusieurs courts-métrages et un documentaire primé, « Women Without Shadows ». Cette fois-ci elle a été sélectionnée dans la section Orizzonti avec « Wadjda », l’aventure d’une petite-fille du même nom, bien décidée à se payer la bicyclette verte dont elle rêve malgré les réticences de son père et leurs petits moyens. Pour réunir l’argent, elle convoite la récompense d’une compétition de récitation des versets du Coran organisée par son école.
Dans ses films, Haïfa Al Mansour s’attaque aux tabous, à l’intolérance et aux mœurs rigoureuses de sa culture, mais avec une certaine mesure et la volonté de rester dans le vrai. Si son travail permet de briser le mur du silence qui entoure la vie des femmes saoudiennes - ici notamment avec le personnage de la mère de Wadjda qui tente de convaincre son mari de ne pas prendre une seconde épouse-, et de leur redonner un peu la parole, elle se refuse à stigmatiser la gent masculine. « Wajda est peut-être un film sur les femmes, concède-t-elle, mais je ne l’ai pas pensé ainsi au départ. Je voulais faire un film sur les choses que je connais et que j’ai vécues. Il était important pour moi que les hommes du film ne soient pas des caricatures(…) Dans mon film, les hommes et les femmes sont embarqués dans le même bateau ».
La réalisatrice a étudié la littérature à l’Université américaine du Caire et le cinéma à Sydney, mais c’est en plein cœur de Riyadh qu’elle a souhaité filmer l’intégralité de son oeuvre, s’ajoutant ainsi à une courte liste de réalisateurs ayant eu l’audace ou l’autorisation de tourner des fictions en Arabie Saoudite. Une « aventure », de l’aveu même de la cinéaste : « je devais régulièrement courir pour me cacher dans le camion de la production dans les quartiers les plus conservateurs, où les gens auraient pu désapprouver qu'une femme réalisatrice travaille ainsi aux côtés des hommes », déclare-t-elle.
Par son travail, la réalisatrice contribue aussi à faire vivre le débat sur l’ouverture de salles de cinéma publiques en Arabie Saoudite, interdites depuis les années 70.
« Wadjda », de Haïfa Al Mansour, avec Reem Abdullah, et Waad Mohammed. Sortie internationale en 2013.
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