La sélection officielle de ce 66e Festival de Cannes ne compte qu'un film réalisé par une femme, Un Château en Italie, de Valeria Bruni-Tedeschi. Mais dans les sélections parallèles, elles sont plus nombreuses. De quoi consoler ces dames. Après tout, de grands réalisateurs tels que Francis Ford Coppola ont débuté en étant sélectionnés dans ces compétitions. « Un Certain Regard », notamment, fait cette année la part belle aux femmes : d'abord avec Valeria Golino qui présentait son premier film Miele ; Rebecca Zlotowski, pour Grand Central, un film jugé moyen par beaucoup et qui a pourtant été ovationné lors de sa projection... Sofia Coppola est également présente pour son dernier film, Bling ring, pourtant considéré comme son œuvre la moins aboutie.
Et puis il y a Claire Denis qui, mercredi soir, lors de la projection de son film Les Salauds (avec Vincent Lindon et Chiara Mastroianni), n'a pu que déplorer que les femmes réalisatrices soient si peu nombreuses et très rarement sélectionnées dans les festivals. Elle s'est montrée très émue et très reconnaissante de l'accueil réservé à son film. La réalisatrice a achevé son discours par un hommage à Jane Campion - seule lauréate de la Palme d'or à ce jour, c'était pour La Leçon de piano en 1993 : « Quand sur un tournage, je n’en peux plus, je suis découragée, je sors de ma caravane, je pense à vous et je fais un twist, alors merci ! »
C’est aussi ça, la force des femmes au cinéma : une solidarité exemplaire, les premières ouvrant la voie aux plus jeunes. Et puis les sujets choisis par les femmes réalisatrices sont bien souvent hors normes, et le traitement très particulier. Une richesse qu’il faut développer. C’est pourquoi l’étude sur les inégalités homme-femme dans le cinéma commandée par Najat Vallaud-Belkacem au CNC ne pourra être qu'instructive et, on l'espère, constructive.
Mais il semble que, hasard ou stratégie, les organisateurs soient parvenu à étouffer la polémique en mettant en avant les femmes par d'autres moyens. Est-ce suffisant ? N'est-ce pas un pis-aller ? Certaines réalisatrices ont-elles été choisies pour remplir un quota, alors que leur film n'était pas nécessairement au niveau du reste de la sélection ? Au vu des premières réactions de la presse et des professionnels invités, on serait tentés de répondre par l'affirmative.
Et que penser du fait que Thierry Frémaux mentionne des femmes très (trop ?) régulièrement lorsqu’il présente l’équipe d’un film ?
C'est peut-être aussi l'enseignement à tirer de ce Festival de Cannes version 2013 : il y a peu de femmes réalisatrices, certes, et très peu d'entre elles sont sélectionnées car les comités de sélection sont très masculins. Et les thématiques abordées par les femmes les touchent peut-être moins. Dans d’autres festivals, quand les femmes sont à l'origine des sélections, davantage de femmes sont en compétition.
Mais les films ne sont pas faits que par les réalisateurs... Les femmes sont l'armée de l'ombre du cinéma, de la scripte à la productrice en passant par l’agent ou la monteuse (que serait Scorsese sans Thelma Schoonmaker ?). Elles sont indispensables et de plus en plus nombreuses. Et si Mélanie Laurent a pu réaliser son premier film, Les Adoptés, à 28 ans seulement, il y a sans doute de l’espoir pour la nouvelle génération.
Louisa Amara