C'est une histoire de métamorphose et de rédemption comme Hollywood les affectionne. Après avoir, durant une décennie, prêté sa belle gueule et son physique tout en muscles à des comédies romantiques sans saveur, Matthew McConaughey, 44 ans, a enfin décroché ce dimanche 2 mars l'Oscar du Meilleur acteur dans Dallas Buyers Club. Dans ce drame signée Jean-Marc Vallée, McConaughey incarne Ron Woodroof, un cow-boy atteint du sida qui, à la fin des années 80, est parti en croisade contre les laboratoires pharmaceutiques en proposant aux séropositifs des médicaments non-autorisés par la FDA. Une performance spectaculaire pour laquelle l'acteur a perdu vingt kilos et qui couronne la renaissance d'un acteur que l'on croyait à jamais perdu dans les méandres de Hollywood.
Pourtant, à ses débuts, Matthew McConaughey avait tout pour embrasser une carrière à la Leonardo DiCaprio. Après avoir joué aux côtés de Ben Affleck et Milla Jovovich dans Génération rebelle (1993) de Richard Linklater et dans Contact de Robert Zemeckis, le comédien est repéré par Steven Spielberg, qui lui confie le rôle d'un jeune avocat abolitionniste dans son drame historique Amistad. Si la performance de McConaughey n'est pas récompensée, le film obtient quatre statuettes aux Oscars 1998, dont une pour Anthony Hopkins, sacré meilleur acteur dans un second rôle.
En 1999, Matthew McConaughey décroche le premier rôle dans En direct sur EDtv de Ron Howard. Aux côtés de Dennis Hopper et Woody Harrelson - qu'il retrouvera dans Surfer, Dude et surtout dans True Detective - l'acteur campe Ed, un employé de vidéo club qui devient le héros d'une chaîne de télé-réalité permanente. Le film, sorti un an après The Truman Show, reçoit un accueil plutôt mitigé.
En 2001, Matthew McConaughey s'affiche dans Un mariage trop parfait, la première comédie romantique d'une longue série qui va marquer sa carrière durant les années 2000. Dans celle-ci, il prête ses traits et sa tignasse décolorée à Steeve (oui, avec deux « e ») Edison, qui fait craquer Jennifer Lopez, l'organisatrice de son mariage.
Une autre comédie romantique, tout aussi oubliable. Dans Comment se faire larguer en 10 leçons, Matthew McConaughey joue Ben, un publicitaire à qui on lance le pari de faire craquer Andie, incarnée par Kate Hudson. Ça vous rappelle quelque chose ? Malheureusement pour Matthew McConaughey, suivront aussi Playboy à saisir en 2006 (avec Sarah Jessica Parker) et Hanté par ses ex en 2009 (avec Jennifer Garner).
Au début des années 2010, Matthew McConaughey donne un nouveau cap à sa carrière. Lassé de jouer les beaux gosses de service le comédien décide, la quarantaine passée, de s'éloigner un temps des studios pour se consacrer à sa vie de famille. « Je savais que j'allais me poser pendant un temps, et que les choses se décanteraient, a-t-il confié au magazine Variety. Mais je ne savais combien de temps ça prendrait et c'était assez effrayant. »
Sa rédemption débutera avec en 2011 avec La Défense Lincoln, adaptation du roman de Michael Connelly dans laquelle il incarne un avocat chargé de défendre un playboy (Ryan Philippe) accusé de meurtre et dont il est certain de la culpabilité.
Il enchaîne l'année suivante sur Magic Mike de Soderbergh. Son rôle de patron de bar de strip-tease vieillissant fait l'effet d'un exutoire : désormais, Matthew McConaughey refuse de jouer pour les majors qui lui proposent des rôles de beaux gosses, et préfère se tourner vers le cinéma indépendant. « On m'envoyait des projets avec des gros salaires, et je disais non. Après, on a cessé de me les envoyer. Puis plus rien. Le message était passé », a-t-il expliqué à Variety.
C'est le rôle de Mud qui va tout changer pour Matthew McConaughey. Dans le film éponyme de Jeff Nichols (à qui l'on doit aussi le superbe Take Shelter), le comédien joue un vagabond charismatique qui croise la route de deux enfants en quête d'aventure. Un rôle solaire et envoûtant qui dévoile toute la portée de son talent.
Une scène, une seule dans Le Loup de Wall Street, permet à Matthew McConaughey d'imprégner les trois heures restantes du film. Il y interprète Mark Hanna, trader cocaïné et mentor de Jordan Belfort. Le comédien a d'ailleurs confié à ce sujet : « Mon personnage enseigne les ficelles de la Bourse à Leonardo DiCaprio. Je n'ai qu'une scène, mais elle est grandiose. » On ne peut que lui donner raison.
Pour le rôle de Ron Woodroof, malade du sida et homophobe repenti qui va aider les séropositifs américains à se fournir en médicaments antirétroviraux étrangers, Matthew McConaughey avait déjà remporté, entre autres récompenses, le Golden Globe du meilleur acteur. « Un héros homophobe, personne n'en voulait à Hollywood, a-t-il raconté. Moi, je trouve le film très optimiste, ce n'est pas un film sur la mort mais sur la survie. »
Dimanche 2 mars, Matthew McConaughey a aussi décroché l'Oscar dans la même catégorie, prouvant qu'au-delà de son physique irréprochable, il est aussi un acteur courageux et à l'immense talent. À son sujet, le réalisateur Jean-Marc Vallée a déclaré : « J'ai assisté à la plus spectaculaire, la plus incroyable, la plus émouvante performance d'acteur de mon humble carrière. »
Désormais acteur de premier plan, Matthew McConaughey apparaît chaque dimanche dans True Detective sur HBO, la série la plus fascinante de ce début d'année. Il prête sa silhouette décharnée et son phrasé texan à Rust Cohle, inspecteur de police aussi mystique qu'extrême qui, flanqué de son coéquipier Marty Hart (Woody Harrelson, impeccable) est prêt à tout pour résoudre une sordide affaire de meurtres de jeunes femmes.
Si l'ultime épisode de True Detective sera diffusé dimanche 9 mars sur HBO, que les fans de Matthew McConaughey se rassurent. L'acteur sera à l'affiche cette année d'Interstellar de Christopher Nolan, et jouera l'an prochain dans Sea of Trees, le prochain Gus Van Sant.