À 33 ans, Kim Chapiron affiche une filmographie dense et variée. Six courts-métrages en tant que réalisateur, trois long-métrages dont le plus connu, Sheitan, a subjugué le public, par sa violence, son originalité et son esthétisme. Romain Gavras, fils de Costa-Gavras avec qui il a créé en 1995 la société de production Kourtrajme, y partage l'affiche avec Vincent Cassel, Monica Bellucci, Oxmo Puccino et d'autres membres de ce collectif entre rap et cinéma spécialiste de courts-métrages et de clips psychédéliques et décalés.
Son deuxième film, Dog Pound, n'est pas moins violent que Sheitan quand il dépeint l'univers carcéral censé corriger trois jeunes délinquants américains. Avec le petit dernier, La crème de la crème, on peut s'étonner du choix d'un sujet apparemment plus sage et moins noir, celui des étudiants de grandes écoles de commerce, de leur travers et de la confusion des repères de cette génération. Mais une fois de plus Kim Chapiron va laisser le public abasourdi par la violence et le cynisme dont sont capable ces jeunes privilégiés, en adaptant la loi du marché à leur réseau de camarades.
Si Kim Chapiron préfère les courts-métrages, c'est sans doute parce qu'il est perfectionniste et méticuleux, et qu'il veut parfaitement maîtriser son sujet et la matière traitée. Pour Dog Pound, le réalisateur s'est investi en voyageant un an à travers l'Amérique pour visiter les prisons pour mineurs et s'imprégner de l'univers carcéral, de peur de tomber dans des clichés éculés au cinéma sur la prison. La plupart des acteurs choisis étaient d'ailleurs des ex détenus, et le scénario a été inspiré des nombreux entretiens qu'il a eus avec des pensionnaires incarcérés.
Pour La crème de la crème, même implication. Le trentenaire a fait le tour des grandes écoles de commerce, écouté, observé cette jeunesse dorée et assisté aux remises de diplômes. Si bien qu'au terme de cette immersion il se pose toujours une question fondamentale : comment Les lacs du Connemara, titre de Michel Sardou, est-il devenu l'hymne de toutes les soirées étudiantes françaises ?
Sous doute sous-estimé, Kim Chapiron pâtit naturellement de son originalité, et l'on s'étonne qu'il n'ait à ce jour reçu aucune récompense de cinéma en France. Sheitan, OVNI cinématographique, a récolté quelques critiques acerbes car trop violent et déstructuré, bien qu'il ait valu à son réalisateur une nomination au Trophée des Jeunes Talents en 2007, et au festival du Film fantastique de Gérardmer. C'est en particulier son sens de l'image qu'on salue facilement, un oeil sans doute hérité de son père, le graphiste Kiki Picasso, mais également le tempo et la bande son très étudiée de ses films, rien d'étonnant pour ce fan de rap, hip-hop et réalisateur de nombreux clips.
La presse s'est montrée dubitative également pour le nouvel opus qui sort le 2 avril. Pour fêter la première projection de La crème de la crème au festival de Cannes 2013, Chapiron n'a pas trouvé mieux que d'organiser sur la Croisette une soirée libertine avec quelques uns de ses jeunes acteurs, pour promouvoir ce « film chaleureux » où trois étudiants s'associent pour créer un réseau de prostitution dans leur école.
Kim Chapiron, si discret, partage la vie de la pétillante Ludivine Sagnier depuis quelques années, ils ont eu ensemble une petite fille, Ly Lan, et visiblement, le couple trentenaire nage dans le bonheur. « Je n'ai pas besoin de chercher l'amour », déclarait la comédienne sur PurePeople il y a quelques mois.