Chantal Jouanno est sénatrice UMP de Paris. Le 5 mars, elle a rendu son rapport sur l’hypersexualisation des jeunes filles à la ministre des Solidarités et de la cohésion sociale Roselyne Bachelot.
Chantal Jouanno : Internet a un triple rôle. Celui de donner l’accès à des sites d’adolescentes centrés sur les stars et leur apparence. Ainsi la rédactrice-en-chef de « Fan de » me disait que quand un article contient le mot « sexy », il obtient 10 000 connections de plus. Ensuite, sur les réseaux sociaux, certaines adolescentes font des concours en mettant en ligne des photos suggestives. Et pour les garçons, un des vecteurs de l’éducation sexuelle se fait par l’accès à des contenus pornographiques. Je ne dis pas qu’internet est un problème mais les jeunes n’ont parfois pas conscience qu’il s’agit d’un espace public et non privé.
C.J. : Il ne peut pas y avoir d’interdiction, d’autant que l’adolescence est l’apprentissage de l’effraction. Ce qui est frappant, est que les parents ne jouent pas le rôle de référents pour de nombreux jeunes. Sur les réseaux sociaux, les parents doivent y être non pas pour fliquer mais pour débattre ensemble. Ce sondage montre qu’il y a une grande différence entre les parents de jeunes enfants et les autres. Avant la puberté, on est dans une logique d’éducation et d’apprentissage de l’outil. Pour les adolescents, il s’agit plutôt d’une logique de partage, car ils ont de plus en plus appris les limites de l’outil.
C.J. : Le contrôle se fait bien sur les ordinateurs, mais sur les smartphones il ne faut plus que le blocage soit à la demande. Nous sommes également contre la promotion libre du porno sur internet. Il ne s’agit pas d’interdire la publicité mais l’utilisation d’images pornos pour faire cette publicité. En effet cet accès trop facile au porno est dangereux pour les relations garçons-filles dans le sens où ils finissent par considérer que le porno correspond à une sexualité normale.
C.J. : Oui car je considère que le plus important ce n’est pas de connaître la « tuyauterie » (comme c’est enseigné aujourd’hui) mais plutôt l’aspect psychologique, et le respect entre les garçons et les filles. Celles-ci doivent savoir qu’elles ont un droit de refus. Il faut donc faire une éducation à l’égalité entre les sexes au primaire et une vraie éducation à la sexualité en marge de l’école, avec les infirmières, le planning familial, des associations scolaires…
C.J. : Je suis pour la définition d’une norme commune à tous les établissements. Les adolescents critiquent une certaine discrimination entre les établissements, et puis plus on leur parle d’interdiction, plus les murs sont couverts de publicités sexy. Il faut donc simplement des codes pour une tenue respectueuse de l’école. Ensuite, il y a le débat de l’uniforme, qui ne relève pas de l’hypersexualité mais des clivages sociaux et de la concurrence des marques.
C.J. : L’hypersexualisation de la société est une tendance lourde et très anglo-saxonne, dans la continuité de la libération sexuelle de Mai 68. Ces codes de la sexualité, on les retrouve partout, dans la mode, chez les stars, dans les jouets et les dessins animés. Ce qui est inquiétant et frappant, est la réapparition de tous les stéréotypes sexués. La femme se définit par son apparence, ce qui n’est pas valorisant. Enfin, on diabolise et on critique cette femme hypersexualisée, mais on n’évoque jamais l’ « hypervirilité de l’homme ».
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