« Les femmes au foyer sont-elles des e-shoppeuses comme les autres ? » telle était la question posée par l’Observatoire eBay-Terrafemina sur les nouveaux usages du e-commerce. La réponse : oui ! Présentés par Monica Holden Graber, directrice du pôle consumer de l’Institut CSA, les résultats de l’étude quantitative sont clairs : toutes les femmes achètent sur Internet, d’abord pour elles (48% des achats), puis pour les enfants (22%) et ensuite pour leur conjoint (18%). M. Holden Graber constate ainsi que les femmes utilisent en majorité Internet pour de « l’achat plaisir », avec un Top 3 des produits achetés qui se passe de commentaires : mode, produits culturels et cosmétiques. Néanmoins, elle relève que « pour celles qui ont des enfants, la partie « pour soi » se réduit considérablement, avec 37% des achats consacrés à la progéniture ».
« La newsletter du matin »
Plus de contrastes observés du côté de l’agence Treize Article-Weblab, représentée par son directeur François Raymond. Les deux groupes d’études qualitatifs mettent en lumière des comportements propres aux femmes au foyer. Deux réunions de huit femmes clientes de e-commerce ont révélé leur appétence pour la grande « brocante » en ligne. « Avec le e-commerce, les femmes au foyer ont pris les pleins pouvoirs du pôle achat », constate François Raymond, « elles ont une logique d'utilisation d'Internet très claire, poursuit-il, elles commencent à surfer le matin après le départ de la famille et consultent les newsletters et les « push », l'email du matin conditionne le parcours de navigation de la journée ». Cyberdépendantes pour certaines, elles sont unanimes sur leurs réticences face aux moyens de paiement et de livraison : la peur de l’arnaque ou du surcoût leur fait préférer les grandes marques du e-commerce et le système PayPal, à qui elles accordent toute leur confiance. Mais surtout, elles formulent une revendication du « droit à l’erreur », en exigeant quasiment la gratuité des frais de retours.
L’appétence particulière des femmes au foyer pour le e-commerce et l’importance du levier prix dans leurs choix fait réagir Hélène Lepetit, fondatrice de L’institut des mamans, qui y voit un besoin de « valorisation » : « le métier de ces femmes est difficile et peu reconnu, elles sont de garde 24h/24, doivent gérer un budget, et assument le rôle de centrale d'achat de la famille, trouver les produits au meilleur prix c'est aussi une façon de prouver son habileté dans cette tâche ».
Geek mais pas trop
Si le SoLoMo (pour « social, local et mobile »), leitmotiv des e-commerçants depuis l’émergence des smartphones, ne fait pas forcément partie des grandes attentes des femmes, elles manifestent sur les thèmes du m-commerce et du social shopping une « curiosité intéressée », comme l’explique F. Raymond : « il y a toujours un fossé assez large entre les innovations « geek » et les pratiques du grand public. Les achats groupés intéressent pour l’attractivité des prix, mais le social shopping est rebutant, elles ne veulent pas mélanger leur vie privée et leurs achats. » Reste un intérêt affirmé pour les services de fidélisation et pour une relation client « plus humaine ». Même constat pour Gimena Diaz, Directrice des ventes PayPal France, pour qui le « So » de SoLoMo garde un avenir certain dans la dimension de conseil, or, « les personnes les plus aptes à bien me conseiller, ne sont-ce pas mes proches ?»
« Nous, les femmes, nous voulons à la fois du prix et du service » rebondit Catherine Barba, « une équation impossible, un vrai casse-tête pour les sites de e-commerce ! » Bien plus, selon la directrice de l’agence « Digital commerce Factory » (groupe Vente-privée.com), les clientes que nous sommes peuvent se montrer « à la fois très satisfaites et infidèles », en un mot : opportunistes et ouvertes à toute proposition alléchante de la concurrence.
Demain le e-commerce ?
Comment faire évoluer les sites marchands pour résoudre l’insoluble calcul de la rentabilité et de la satisfaction client ? « Les spécialistes du prix évoluent vers le service et le conseil » répond C. Barba, non pas des outils ultra sophistiqués, mais plutôt « de la recommandation, de la personnalisation et de la reconnaissance du client régulier. » Pour cette pionnière du e-commerce en effet, l'innovation doit être « relationnelle » avant tout, comme dans le commerce traditionnel, où l’on apprécie d’être « valorisé » et « considéré », « ne serait-ce que par un « bonjour Catherine ». Offrir les frais de livraison ? Impossible pour la plupart des sites, elle préconise plutôt de « donner envie », avec « du qualitatif, de l'émotion, de l'image, et un travail sur la scénarisation de produits ».
« Le niveau d'exigence au niveau des services est de plus en plus important, nous sommes des innovateurs », souligne Gimena Diaz, qui met en avant les pratiques hybrides où « le virtuel et le réel se combinent », déjà émergentes sur la Toile : le « Drive » qui consiste à acheter le matin et récupérer sa commande en fin de journée, la possibilité de « regarder sur mobile les meilleures offres et de faire son achat ensuite », etc.
« C’est déjà 1984 »
Alors que l’étude qualitative mentionne les peurs des femmes interrogées par rapport au commerce sur mobile et à la géolocalisation, Guillaume Pernoud du think tank Netexplo, spécialiste de l’innovation digitale, se demande comment les sites de e-commerce pourront répondre à ces réticences, puisqu’à tout moment « des informations privées peuvent être utilisées pour plus de services et de bonnes affaires, mais aussi contre sa propre volonté » ? Directrice de la communication corporate eBay France, Nathalie Touzain s’étonne, « est-ce que nous ne sommes pas déjà dans « Big Brother » avec Facebook, et toutes ces données partagées ? » Et de rappeler que le social shopping est déjà expérimenté sur eBay aux Etats-Unis, « en France il faut admettre que l’on est moins avancé sur le sujet », « mais il est déjà possible de faire des paiements sécurisés PayPal sur Facebook ou des paiements de personne à personne via PayPal », souligne Gimena Diaz.
« Early adopters »
Pour achever de convaincre les plus sceptiques sur les grandes tendances m-commerce et social shopping, N. Touzain rappelle qu’au début des années 2000, les consommateurs affichaient la même défiance vis-à-vis du e-commerce… C. Barba ajoute que la « réglementation française surprotège le consommateur », et complique plutôt la vie du commerçant, « à eux de s’engager avec clarté pour répondre aux craintes des clients ». Dernier facteur de croissance et de banalisation des nouveaux outils e-commerce : les jeunes. Ces « early adopters » que décrit N.Touzain, « nés avec un iPhone dans la main et qui l’utilisent avec une dextérité surprenante », n’ont plus à prouver leur intérêt pour le « e », le « m », ou le « social » commerce, « la seule limite concerne leur pouvoir d’achat ».
Avec un site en création toutes les trente minutes, et une insolente croissance de +22% en 2011, le e-commerce est loin d’être un marché saturé, « il y a certes beaucoup d’appelés pour peu d’élus, et quand les ventes commencent à progresser, le travail se complique et exige beaucoup de compétences », note C. Barba, « mais c’est un terrain de création d’entreprise dynamique et prometteur, où beaucoup de femmes se réalisent en tant qu’auto-entrepreneur. »
L'Observatoire eBay-Terrafemina est basé sur un sondage CSA réalisé du 16 au 24 février 2012 sur deux échantillons de 500 femmes âgées de 20 à 60 ans, et deux groupes d’étude qualitatifs de 2x 8 femmes au foyer, réalisés les 6 et 7 mars 2012 par l’institut Treize Article-Weblab.
Les résultats complets de l'Observatoire eBay/Terrafemina
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