Culture
Web campagne 2012 : « les partis ont surestimé le rôle d'Internet »
Publié le 11 avril 2012 à 09:13
Par Marion Roucheux
Médias sociaux, « fact-chekcing », multiplication des sources d’information, investissement des partis politiques en ligne : le numérique a bousculé le paysage de la communication politique en 2012. A moins d’un mois du premier tour, l’Observatoire Orange-Terrafemina se penche sur le déroulement de la Web campagne. Commentaire  des résultats de notre enquête CSA par Isabelle Veyrat-Masson, Directrice du Laboratoire Communication et Politique du CNRS.
Web campagne 2012 : « les partis ont surestimé le rôle d'Internet » Web campagne 2012 : « les partis ont surestimé le rôle d'Internet »
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Terrafemina : Quelle donnée vous a le plus marquée parmi les informations révélées par notre sondage CSA sur la Web campagne 2012 ?

Isabelle Veyrat-Masson : Le premier enseignement de cette étude est que les médias traditionnels sont toujours aussi dominants : ainsi, 74%* des sondés s’informent sur la campagne via la télévision, devant 40% qui s’informent sur Internet. Alors que la télévision est souvent considérée comme un média ancien, qui aurait tendance à perdre de son influence, ce sondage nous rappelle que pour les grands événements comme une campagne présidentielle, les gens se réfèrent à ce média avant tout. Quant à la radio, qui est citée par 34% des répondants, il faut souligner que les gens sous-estiment souvent le temps qu’ils passent à l’écouter et ont du mal à l’identifier comme l’une de leurs sources d’informations, car c’est un média que l’on suit en faisant souvent autre chose en même temps. Naturellement, en citant la télévision, ils répondent en pensant à un média plus prenant, qui leur demande plus de concentration.

Tf : D’après les résultats de notre enquête, les réseaux sociaux sont particulièrement utilisés par les CSP - quand il s’agit de s’informer sur l’élection (25% au lieu de 15% en moyenne). Comment l’expliquez-vous ?

I.V.-M. : Les études montrent que les personnes appartenant à la catégorie des CSP – accordent une plus grande importance aux réseaux sociaux dans le cadre de leur vie privée. A cet égard, ils passent plus de temps sur Facebook par exemple que les CSP+, afin d’échanger avec leur entourage proche. Par ce biais, ils sont alors exposés aux informations liées à la campagne et peuvent échanger sur des sujets politiques via ce réseau. Quant aux CSP+, ils utilisent plutôt les réseaux sociaux pour recueillir des informations de l’ordre de l’intérêt général, des données qui sont moins liées à leur vie privée. Ils se tournent plus vers Twitter pour y récolter et communiquer des informations politiques et considèrent ce réseau non pas comme un mode de communication personnel, mais plutôt public. Cela ne signifie pas que les CSP- s’intéressent moins à la politique que les CSP+, leurs sources d’informations sont juste différentes.

Tf. : L’étude révèle que les sondés ont une perception globalement positive de l’impact d’Internet sur la vie démocratique. Pensez-vous que le numérique permet aux citoyens de réinvestir le débat politique ?

I.V.-M. : Dans le cadre d’une campagne électorale, Internet est effectivement considéré comme une Agora, un lieu à la fois d’information, via les journaux en ligne, les pure players et les portails d’information,  mais également de participation. Internet redonne une place à la presse écrite, lui permet de revivre, et dans le même temps donne la possibilité aux citoyens d’accéder à une information qualitative via ces médias numériques. Les gens ont conscience que le Net leur permet d’accéder à une information légitime et leur donne les moyens de vérifier leurs sources (fact-checking) : cela peut effectivement les convaincre de se réinvestir dans le débat politique. Car en parallèle, les citoyens ont la possibilité d’intervenir dans le débat, en écrivant eux-mêmes sur la Toile ou en commentant ce qu’ils y lisent. La conversation est le premier mode d’influence dans le débat politique, c’est à travers elle que les citoyens sont amenés à former et définir leur opinion. L’interactivité qu’offre Internet permet donc aux électeurs de concrétiser leur sentiment politique en une opinion.

Tf. : Avez-vous eu le sentiment que le volet numérique était au cœur de la campagne électorale, contrairement peut-être à 2007 ?

I.V.-M. : En 2007, la campagne électorale était très animée sur le Web et les partis politiques ont alors pris conscience de l’importance de cette dimension dans leur communication. Ce qui est nouveau en 2012, c’est l’intensité du développement de la Web campagne : il n’y a pas un candidat qui n’ait pas son site, son compte Facebook, son équipe qui twitte, bref, une présence massive et organisée sur Internet. Reste que malgré l’effort porté sur la Toile par les partis, on n’a pas vu émerger une vraie influence du Web sur l’opinion. Il y a en effet à mon avis un décalage entre l’importance qu’ont portée les partis à la Web campagne et l’intérêt qu’elle a finalement suscité chez les électeurs, qui se sont davantage tournés vers les médias que vers les informations issues des partis eux-mêmes. Les partis ont peut-être surestimé le rôle d’Internet, il y a eu plus d’offre que de demande.

Tf. : Avez-vous repéré un parti plus actif sur le Web ou dont la Web campagne vous a plus marquée ?

I.V.-M. : Le Parti socialiste s’est inscrit dans la lignée de la campagne numérique de 2008 de Barack Obama aux Etats-Unis. Comme le candidat américain, les socialistes ont pris le parti d’utiliser la Toile afin de rassembler leurs militants plutôt que leurs électeurs. Traditionnellement en France, les partis de gauche ont des militants plus actifs et plus nombreux que les partis de droite : l’utilisation du Net n’a ainsi pas été la même en fonction de l’organisation partisane, la gauche tirant profit de sa base de sympathisants impliqués et misant sur la mobilisation en ligne.

Tf. : Le Net a-t-il permis selon vous aux plus petites formations politiques d’avoir une meilleure visibilité ?

I.V.-M. : Je ne pense pas.  Celui qui s’est dégagé lors de cette campagne est le Front de Gauche de Jean-Luc Mélenchon : or ce n’est pas le Web qui lui a permis d’émerger, mais bel et bien les médias de campagne classiques que sont la télévision et les meetings. Reste qu’Internet a radicalement décuplé la visibilité des médias et modes de communication traditionnels, offrant par là-même plus d’écho aux partis politiques concernés.

*Enquête réalisée par l’Institut CSA et Treize Articles pour Orange et Terrafemina, réalisée en ligne auprès de 1006 personnes âgées de 18 ans ou du 27 au 29 mars 2012. Echantillon constitué selon la méthode des quotas appliquée aux variables suivantes : sexe, âge et catégorie socioprofessionnelle après stratification géographique par région de résidence et catégorie d’agglomération.

Résultats de l'Observatoire Orange-Terrafemina sur les lolitas version numérique

Les résultats complets de l'Observatoire Orange-Terrafemina
L'étude qualitative par l'Institut Treize articles WebLab

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Tf : D’après les résultats de notre enquête, les réseaux sociaux sont particulièrement utilisés par les CSP - quand il s’agit de s’informer sur l’élection (25% au lieu de 15% en moyenne). Comment l’expliquez-vous ?

I.V.-M. : Les études montrent que les personnes appartenant à la catégorie des CSP – accordent une plus grande importance aux réseaux sociaux dans le cadre de leur vie privée. A cet égard, ils passent plus de temps sur Facebook par exemple que les CSP+, afin d’échanger avec leur entourage proche. Par ce biais, ils sont alors exposés aux informations liées à la campagne et peuvent échanger sur des sujets politiques via ce réseau. Quant aux CSP+, ils utilisent plutôt les réseaux sociaux pour recueillir des informations de l’ordre de l’intérêt général, des données qui sont moins liées à leur vie privée. Ils se tournent plus vers Twitter pour y récolter et communiquer des informations politiques et considèrent ce réseau non pas comme un mode de communication personnel, mais plutôt public. Cela ne signifie pas que les CSP- s’intéressent moins à la politique que les CSP+, leurs sources d’informations sont juste différentes.
Tf. : L’étude révèle que les sondés ont une perception globalement positive de l’impact d’Internet sur la vie démocratique. Pensez-vous que le numérique permet aux citoyens de réinvestir le débat politique ?

I.V.-M. : Dans le cadre d’une campagne électorale, Internet est effectivement considéré comme une Agora, un lieu à la fois d’information, via les journaux en ligne, les pure players et les portails d’information,  mais également de participation. Internet redonne une place à la presse écrite, lui permet de revivre, et dans le même temps donne la possibilité aux citoyens d’accéder à une information qualitative via ces médias numériques. Les gens ont conscience que le Net leur permet d’accéder à une information légitime et leur donne les moyens de vérifier leurs sources (fact-checking) : cela peut effectivement les convaincre de se réinvestir dans le débat politique. Car en parallèle, les citoyens ont la possibilité d’intervenir dans le débat, en écrivant eux-mêmes sur la Toile ou en commentant ce qu’ils y lisent. La conversation est le premier mode d’influence dans le débat politique, c’est à travers elle que les citoyens sont amenés à former et définir leur opinion. L’interactivité qu’offre Internet permet donc aux électeurs de concrétiser leur sentiment politique en une opinion.
Tf. : Avez-vous eu le sentiment que le volet numérique était au cœur de la campagne électorale, contrairement peut-être à 2007 ?

I.V.-M. : En 2007, la campagne électorale était très animée sur le Web et les partis politiques ont alors pris conscience de l’importance de cette dimension dans leur communication. Ce qui est nouveau en 2012, c’est l’intensité du développement de la Web campagne : il n’y a pas un candidat qui n’ait pas son site, son compte Facebook, son équipe qui twitte, bref, une présence massive et organisée sur Internet. Reste que malgré l’effort porté sur la Toile par les partis, on n’a pas vu émerger une vraie influence du Web sur l’opinion. Il y a en effet à mon avis un décalage entre l’importance qu’ont portée les partis à la Web campagne et l’intérêt qu’elle a finalement suscité chez les électeurs, qui se sont davantage tournés vers les médias que vers les informations issues des partis eux-mêmes. Les partis ont peut-être surestimé le rôle d’Internet, il y a eu plus d’offre que de demande.
Tf. : Avez-vous repéré un parti plus actif sur le Web ou dont la Web campagne vous a plus marquée ?

I.V.-M. : Le Parti socialiste s’est inscrit dans la lignée de la campagne numérique de 2008 de Barack Obama aux Etats-Unis. Comme le candidat américain, les socialistes ont pris le parti d’utiliser la Toile afin de rassembler leurs militants plutôt que leurs électeurs. Traditionnellement en France, les partis de gauche ont des militants plus actifs et plus nombreux que les partis de droite : l’utilisation du Net n’a ainsi pas été la même en fonction de l’organisation partisane, la gauche tirant profit de sa base de sympathisants impliqués et misant sur la mobilisation en ligne.
Tf. : Le Net a-t-il permis selon vous aux plus petites formations politiques d’avoir une meilleure visibilité ?

I.V.-M. : Je ne pense pas.  Celui qui s’est dégagé lors de cette campagne est le Front de Gauche de Jean-Luc Mélenchon : or ce n’est pas le Web qui lui a permis d’émerger, mais bel et bien les médias de campagne classiques que sont la télévision et les meetings. Reste qu’Internet a radicalement décuplé la visibilité des médias et modes de communication traditionnels, offrant par là-même plus d’écho aux partis politiques concernés.
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