E. G. : Cette étude confirme moins l’influence du Web et des réseaux sociaux sur la campagne que leur montée en puissance en tant que source d’information. Les journalistes se sont convaincu que la campagne se jouerait en 2012 sur le Net, la preuve est faite que la télévision reste de loin le média le plus important en période d’élection. D’où les discussions actuelles sur la nécessité d’organiser des débats télévisés malgré les règles très contraignantes du temps de parole imposées par le CSA. L'étude confirme aussi que désormais la presse papier passe derrière le Web pour la consultation d’information politique -10% des sondés ont cité la presse nationale payante comme média d’information sur la campagne, ndlr-, ce qui devrait remettre en cause le privilège des journalistes de la presse écrite auprès des candidats, par rapport à ceux du Web…
E. G. : Tout d’abord, les militants se sont vraiment emparés des outils numériques pour faire leur campagne, en s’investissant sur les réseaux sociaux et tous les médias d’information. Ensuite, la grande nouveauté c’est la couverture Live de la campagne. 2011 a été une année charnière pour ce format, avec l’affaire DSK, et c’est le Web qui a imposé ce nouveau rythme de quasi temps réel. En conséquence, les chaînes de télévision ont suivi en mettant en place un maximum de direct. Pendant la campagne, on n’a jamais vu autant de meetings retransmis à la télévision, ces évènements plutôt confidentiels et réservés aux militants sont devenus visibles de tous, avec des discours entiers, disponibles à la demande sur le Net. Pour moi, la disponibilité et la multitude des informations sur la campagne a favorisé le débat, et moins les « petites phrases », qui sont le lot de toutes les campagnes d’ailleurs.
E. G. : Les réseaux sociaux sont avant tout des outils de propagande de ses propres opinions, la plupart de ceux qui les fréquentent savent déjà pour qui ils vont voter. Il faut d’abord relativiser l’influence de Twitter et ses 5 millions d’utilisateurs français, par rapport à Facebook qui en compte 28 millions. Sur Facebook, on partage entre amis des choses qui viennent conforter ce qu’on pense. Sur Twitter on n’est pas forcément entre amis, le format prête au clash (le « tweetclash », ndlr), c’est un outil militant pour défendre un camp, mais pas pour argumenter. On y prend aussi un certain recul sur la campagne pour en rire ou s’en moquer. Pour les candidats, ce n’est pas la même utilisation. Twitter est très efficace pour diffuser une petite phrase auprès de milliers de journalistes, ils s’en servent comme d’une AFP en format réduit. Facebook est plutôt utile pour présenter et expliquer des idées. Les réseaux sociaux auront une réelle influence le jour du vote avec la fuite inévitable des premiers résultats : à 17h les estimations des bureaux fermés filtreront à tous les coups, alors que les bureaux de vote des grandes villes ne ferment qu’à 20 heures. On pourrait voir un parti mobiliser les réseaux pour inverser la tendance. Je rappelle qu’en 2002, il n’y avait que 200 000 voix d’écart entre Lionel Jospin et Jean-Marie Le Pen.
E. G. : Ils ont gagné en réactivité. Avant, lorsqu’un candidat faisait une proposition, il fallait attendre au moins une demi-journée pour avoir une réaction officielle. Aujourd’hui les militants rétorquent dans l’heure. Par exemple, le jour où Nicolas Sarkozy a dévoilé son affiche de campagne, une heure plus tard les militants PS mettaient en ligne un site permettant à tous de parodier cette affiche. La campagne est moins programmée en avance, elle se construit heure par heure. On voit émerger une nouvelle génération de militants, qui sont certainement les futurs responsables des partis.
E. G. : C’est la campagne où l’on a vu le plus d’expériences de fact-checking se mettre en place. Les rédactions web ont commencé, et la télévision a suivi, comme iTélé qui s’est associé au site OWNI.fr pour son émission quotidienne, « le véritomètre ». Le fact-checking a une réelle influence sur les candidats, qui ont un devoir de cohérence. La prochaine étape devra venir de la télévision. A quand des animateurs capables de vérifier les propos du politique en direct ? Comment organiser le temps de vérification à l’antenne ? La réponse avec la télévision connectée, cette « Social TV » en préparation, qui devra relever le défi de la réactivité. La logistique d’un plateau télé est encore beaucoup plus lourde et coûteuse que celle d’une rédaction Web.
*Enquête réalisée par l’Institut CSA et Treize Articles pour Orange et Terrafemina, réalisée en ligne auprès de 1006 personnes âgées de 18 ans ou du 27 au 29 mars 2012. Echantillon constitué selon la méthode des quotas appliquée aux variables suivantes : sexe, âge et catégorie socioprofessionnelle après stratification géographique par région de résidence et catégorie d’agglomération.
Crédit photo : owni.fr
Les résultats complets de l'Observatoire Orange-Terrafemina
L'étude qualitative par l'Institut Treize articles WebLab
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