Benoît Raphaël : On a l'impression que les gens se lâchent un peu plus sur Facebook, la mobilisation semble plus intense. Dans la dernière ligne droite, on ose afficher ses opinions, ce phénomène était beaucoup plus frileux au début de la campagne. Les réseaux sociaux ont joué un rôle de commentateurs non négligeable. C'est intéressant de voir le débat se déporter sur Facebook, alors que les utilisateurs ne sont pas anonymes, d'autant plus qu'avec Facebook connect, même leurs commentaires d'articles sur des sites d'infos sont identifiés. Leur activité consiste d'ailleurs plutôt à faire du " bashing " de candidat qu'à soutenir le leur.
Vidéo : " Mot à mot " publié sur la chaîne Youtube du Parti socialiste
B. R. : La campagne passionne peu, elle est même plutôt ennuyeuse -en tout cas moins intéressante qu'en 2007- d'où la régression du débat dans le LOL. On reste sur la personnalité du candidat, il y a peu d'informations nouvelles, même les médias traditionnels le disent, ils ont beaucoup moins de pics d'audience qu'en 2007. On n'a rien à dire et on s'en amuse.
B. R. : Quelques clips ont tout de même récidivé dans le ringard cette année... Sur Facebook, c'est un militantisme de jeunes qui est en train de naître. On est dans la parodie et l'intox combinées, avec de vieilles recettes, comme d'exhumer quelques morceaux de vidéo sortis de leur contexte. Exemple : une vidéo de François Hollande où il sous-entend qu'il pourrait être payé à ne rien faire, qui a fait le tour des sympathisants UMP. Mais il y a aussi beaucoup de créativité et une plus grande maîtrise des outils numériques. Je crois que les militants avaient conscience de partir de loin, de devoir gagner en maturité sur ces supports ; à droite comme à gauche, le retard était cuisant.
Vidéo : " Le temps ou François Hollande se vantait d'être payé à ne rien faire – 1989 "
B. R. : Non, à mon avis aucun, les militants sont actifs sur les réseaux sociaux, mais l'essentiel de la campagne se joue à la télévision, dans les meetings et au porte-à-porte. Ce qui émerge sur Internet c'est une culture militante et politique plus moderne.
B. R. : D'après un outil sur lequel je travaille, qui permet de suivre en temps réel les tendances de partage sur les réseaux, les conversations, les top tweets, les reprises de liens et les vues des vidéos, les comptes Facebook et Twitter de Nicolas Sarkozy sont plus efficaces. Pour ce qui est des sites de campagne – toushollande.fr et lafranceforte.fr-, malgré les innovations des deux côtés pour imiter le fameux dispositif Obama 2008, ils n'ont pas pris. Il n'a pas été qualifié au deuxième tour, mais selon moi celui qui a fait la meilleure campagne sur le Web, en dehors de toute opinion politique, c'est Jean-Luc Mélenchon. Ses militants ont été les plus créatifs -et les plus drôles- avec des vidéos quotidiennes vues entre 10 000 et 20 000 fois, des parodies, des chansons qui ont fait beaucoup de buzz. Tout ça n'a pourtant pas donné l'effet escompté dans les urnes.
Vidéo : " Je re-Mélenchon "
Crédit photo : AFP