Pascal Lardellier est sociologue et professeur de sciences de l’information et de la communication à l’Université de Bourgogne. Il a publié en 2004 « Le cœur NET, Célibat et amours sur le Web » aux éditions Belin, et prépare une réactualisation du livre pour 2011.
Pascal Lardellier : Ce chiffre appelle deux constats, avec d’abord une sédentarisation de ces sites dans l’espace public. Alors que le phénomène était marginal au début, Internet est devenu un véritable partenaire technologique pour rencontrer quelqu’un pour la nuit ou pour la vie. On connaît désormais tous quelqu’un qui a trouvé quelqu’un sur Internet ou qui y va dans ce but. On constate ensuite une dédramatisation de ces sites. Pendant longtemps, avec le Minitel Rose, le fait d’être sur ces sites était sulfureux. Maintenant il y a un vrai droit au libertinage. En revanche les jeunes ont toujours ce problème d’image, combiné à un facteur prix. Pour eux, l’eldorado relationnel reste les réseaux sociaux, c’est là où ils vont pour draguer.
P.L. : Les sites affinitaires représentent une hypersegmentation du marché. C’est LA grande tendance. On a commencé par l’offre confessionnelle, puis on a fait des sites pour les beaux, les riches, les agriculteurs… Tout cela répond à une donnée sociologique : l’endogamie. Le marché est donc divisé en deux : le « mainstream » avec les sites généralistes et l’hypersegmentation, qui donne aux internautes l’illusion d’être dans un monde entre eux. Il y a là-dedans une part de demande, donc une réalité sociologique et une part de marketing.
P.L. : Les inscrits sur les sites de rencontres se font une représentation idéalisée des personnes qu’ils veulent rencontrer en amont. Et en aval, ils ont tendance à se présenter d’une manière optimisée. Or, on voit une photo : celle-ci peut ne faire apparaître que le visage, être retouchée, ancienne… Du coup on a tendance à être déçu quand on se rencontre : c’est le fameux « retour du réel ».
P.L. : Oui, les rencontres ne sont ni plus faciles ni plus difficiles avec les innovations numériques. Sur Internet le corps est absent mais le physique compte toujours. L’importance du texte est révolue, c’est plutôt l’image de soi qui compte. Internet est ainsi devenu une extension de la vraie vie. On sait en grande partie à qui on a affaire, grâce aux affinités socio-culturelles. On sait qu’Internet est le royaume des petits mensonges entre amis mais on se reconnaît très vite. Par ailleurs, il n’y a aucune possibilité de prouver que la relation est biaisée par le fait de la rencontre sur Internet. Quel serait alors le contexte idéal pour une belle histoire ? Une rencontre chez des amis ? Une collision à un carrefour ? Cela dépend de la personne, du moment de la rencontre, des affinités, de l’alchimie.
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