« Il est honteux que lorsque vous demandez aux gens, y compris à des scientifiques, de citer des femmes scientifiques et ingénieures, ils peuvent difficilement aller au-delà de Marie Curie », s’insurge Uta Frith, physiologiste experte dans les domaines de l’autisme et de la dyslexie, qui ajoute « elles (les femmes scientifiques, ndlr) ne sont pas dans notre conscience ou que l’on n’a pas assez rendu compte de leurs travaux. Wikipédia est l'un des premiers endroits où les gens vont pour obtenir des informations, or si ces informations n’y figurent pas comment feront-ils pour connaître enfin nos héroïnes de la science ? »
Cette spécialiste londonienne soutient avec ardeur l’initiative de la Royal Society de Londres, soit l’Académie des sciences anglaise, qui a lancé le 19 octobre 2012 un appel à contributions, ouvrant ses bibliothèques et ses archives, pour gommer les déséquilibres paritaires de l’encyclopédie en ligne : actuellement, les thèmes à connotation féminine et sur l’histoire des femmes sont clairement sous-exploités. Des chercheurs sont appelés à enrichir les biographies de femmes voire à créer celles qui n’existent pas encore sur Wikipédia. Actuellement, environ 90% des contributeurs, anglophones comme francophones, sont des hommes, et près de 80% des donateurs sont masculins. Du côté des utilisateurs, les proportions sont moins déséquilibrées : en France, 68% des utilisateurs sont des hommes. Pourtant, le rapport homme/femme chez les internautes en général est de 51/49%.
Pour pallier à ces déséquilibres, un groupe de collaboratrices s’est créé sur Facebook, sous le nom de Wiki Women’s collaborative et dont la devise est « rassembler et célébrer les femmes qui éditent, et qui veulent apprendre à éditer au sein de Wikipédia. Femmes du monde entier, apportons notre savoir à Wikipedia ! ». Mais la responsable de Wikimédia France, Adrienne Alix, émet des réserves sur ce mode de fonctionnement : « Nous trouvions que leurs attaques étaient parfois de mauvaise foi, qu'elles surjouaient le machisme de Wikipédia pour expliquer le retrait de certains de leurs articles par exemple, qu'elles étaient trop dans le registre de la plainte. Je me suis toujours sentie peu à l’aise dans des réunions, des ateliers réservés aux femmes, avec des actions spécifiques envers elles. C’est tout de même paradoxal qu'au nom de l’égalité, on finisse par exclure l’un des deux sexes… »
Quoiqu'il en soit le projet de la Royal Society a dans l’ensemble était bien accueilli au sein de la marque Wikipédia, Jon Davies, le directeur de Wikimédia au Royaume-Uni affirmant qu'il est tout à fait normal « de souligner les efforts et les percées des femmes dans la science, la technologie, les mathématiques et l'ingénierie ». Il a particulièrement souligné la personnalité d'Ada Lovelace, une mathématicienne du XIXe siècle, inventrice d’un ancêtre de l’ordinateur, et l’importance de son héritage à faire valoir. L’opération de la Royal Society s’achève jeudi 29 novembre et il faudra attendre quelques semaines avant de pouvoir analyser les résultats.
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