Frédéric Perrin : Ce n’est pas surprenant. Les associations de consommateurs et les pouvoirs publics ont entretenu depuis quelques années l’idée que la banque au quotidien était trop chère, et cette sensibilité au prix s’est encore intensifiée avec l’émergence des banques en ligne, qui ont fondé leur marketing sur la réduction des prix et les cartes bancaires gratuites. Notez que dans une banque traditionnelle, une carte bancaire standard peut coûter 40 € par an, une Visa premier près de 120 €. A cet effet du jeu concurrentiel s’ajoutent des obligations légales récentes de clarification de la politique tarifaire, et de transparence sur les frais perçus par les banques. Celles-ci-ci doivent désormais faire figurer les frais noir sur blanc sur les relevés de compte mensuels des clients.
F. P. : Une bonne part des clients a encore besoin d’aller physiquement en agence, et notamment les jeunes de moins de 25 ans. Dans certaines circonstances comme pour un premier prêt immobilier, on n’envisage pas de ne pas rencontrer de conseiller. Mais la clientèle demande de plus en plus à pouvoir utiliser tous les moyens de contacts possibles avec l’agence et le conseiller : via le site Internet, par email, téléphone ou en rendez-vous physique. Les banques ont fortement évolué dans ce sens depuis deux ans. Elles préparent l’envoi de pièces dématérialisées ainsi que la signature électronique des contrats, cela répond à un besoin des clients de plus de flexibilité.
F. P. : Ce sont les jeunes actifs en emploi, dans la tranche d’âge des 25-49 ans, qui sont les plus tentés par la banque en ligne. C’est une population très attractive pour les banques, qui représente 16,7 millions de personnes. C’est sur ce segment que les pure-players de la banque en ligne (les banques uniquement via Internet et téléphone, ndlr) recrutent. Néanmoins, nous savons que la plupart de ces clients gardent un compte dans leur banque traditionnelle. L’enjeu pour les pure-players est de fidéliser cette clientèle, et de couvrir progressivement une part toujours plus importante de leurs besoins en produits et services financiers et collecter leur épargne.
F. P. : 2012 a été l’année des applications mobiles et des tablettes pour le secteur bancaire. Les applications des banques ont rencontré un réel engouement auprès de la clientèle, le feedback à leur sujet est excellent. L’action principale sur ces applications consiste à consulter son compte ou à faire un virement. Plus généralement, ces trois dernières années, les banques traditionnelles ont mis à niveau leurs sites Internet par rapport à ceux des pure-players, qui étaient plus sophistiqués et plus ergonomiques. Désormais les grandes banques ont des outils pointus : on peut par exemple consulter l’agenda de son conseiller avant de lui demander un rendez-vous, ou gérer son budget personnel via des applications très bien faites.
F. P. : Le conseiller de clientèle doit apprendre à gérer la relation à distance. Culturellement, on lui a appris que toute vente se faisait en face à face. Aujourd’hui les clients ne veulent plus se déplacer sans une nécessité réelle. Ils préfèrent, comme le montre l’étude prendre un rendez-vous téléphonique (49% des sondés ont déjà fixé un rendez-vous avec leur conseiller via Internet, ndlr). Finalement, d’une banque multi-canal, on doit passer à une agence et un conseiller multi-canaux.
F. P. : La force du modèle bancaire universel français réside dans la densité du réseau et, de fait, la proximité des agences, et dans la dimension de conseil. C’est en effet une spécificité française : 80% des Français ont un conseiller attitré. À titre de comparaison, en Italie ce taux est de 38%. Cette personnalisation est une force, mais elle a un coût. La baisse de fréquentation des agences fait qu’on peut peut-être considérer la densité du réseau bancaire comme un luxe. Les banques devront rerevoir la configuration et le dimensionnent de leur réseau.
F. P. : Je pense que les banques en ligne se préparent un bel avenir pour les dix prochaines années. Il y aura un effet d’accélération avec l’arrivée des « digital natives » sur le marché. Avec le temps, le revenu par client de ces banques en ligne va augmenter, et elles auront d’autant plus la capacité de pratiquer des prix plus bas. Il faut enfin avoir à l’esprit que ce sont certaines grandes banques qui ont la main sur ces pure-players en ligne (Société Générale avec Boursorama, Crédit Mutuel avec Fortuneo et Monabanq, Crédit Agricole avec BforBank), elles sont donc armées pour faire face à la transformation du marché.
*D’après une étude de l’institut CSA réalisée dans le cadre de la 15e vague de l’Observatoire Orange et Terrafemina sur les révolutions numériques. 1000 personnes âgées de 18 ans et plus ont été interrogées en ligne les 29 et 30 janvier 2013. L’échantillon a été constitué selon la méthode des quotas appliquée aux variables suivantes : sexe, âge et catégorie socioprofessionnelle après stratification géographique par région de résidence.
Voir les résultats complets de l'Observatoire Orange-Terrafemina
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