Muriel de Saint-Sauveur : Les différences existent car nous avons encore des objectifs quotidiens distincts. De fait, ce que font les femmes sur Internet est différent. Elles s’occupent des courses, des vacances, des enfants, de la baby-sitter, et elles utilisent largement Internet pour cela. Ainsi mon constat est que les hommes et les femmes utilisent différemment le digital, non pas parce qu’ils sont hommes et femmes, mais parce que leurs rôles les enferment dans une « posture genrée ».
M. S.-S. : C’est un vrai problème aujourd’hui, on est dans l’immédiateté 24h/24. Je pense qu’il est nécessaire de se pousser à ne pas répondre systématiquement aux mails, ne pas mettre tout le monde en copie, etc. Cela pollue la vie de tous, mais nous avons un mal fou à nous en extraire. Le digital apporte rapidité et ouverture sur le monde à l’entreprise, mais je ne suis pas certaine qu’on progresse dans la qualité du travail fourni. J’ose prendre mon propre cas pour exemple. Je travaille avec 71 pays différents, et nous communiquons évidemment par mail. Pourtant, tant que je n’ai pas rencontré les gens physiquement, la collaboration ne fonctionne pas. Ou bien la mission prend six mois au lieu de trois…
M. S.-S. : En effet le Web facilite la rapidité, la connectivité, les interactions, il aplanit les hiérarchies. Mais il n’empêche qu’on continue de déjeuner avec les clients et d’organiser des réunions. Pour les équipes, c’est un formidable outil de respiration : l’Intranet ou les outils de conférence comme Skype favorisent les échanges entre tous les niveaux, on peut voir son grand patron un peu plus souvent. En outre, l’information circule et elle n’est plus seulement aux mains des managers. De fait on ne la maîtrise plus mais on doit la gérer… D’où l’émergence nécessaire d’un management très différent.
M. S.-S. : Pour moi c’est une chance. Je pense que la porosité entre le virtuel et le privé n’est pas un problème, c’est un facteur de liberté, pour gérer son temps comme on veut. Une femme peut faire ses courses en ligne depuis son poste professionnel à midi et répondre à ses mails le soir. Pour les hommes c’est la même chose, avant, ils laissaient leurs problèmes personnels à la maison, mais l’arrivée des femmes dans l’entreprise a fait entrer la vie privée au bureau, et les hommes aussi utilisent aujourd’hui des moments de temps professionnel pour gérer leur vie privée.
M. S.-S. : Je me garderai bien de répondre, mais je peux dire que sans les femmes il serait très mauvais ! J’ai l’impression que les femmes sont nombreuses dans le secteur du digital, même si elles prennent toujours moins la parole que les hommes. Je pense que le Web est un outil d’égalité entre hommes et femmes ; les stéréotypes n’y sont pas enracinés, il n’y a pas de terrain réservé aux hommes, pas de juge, et les femmes y jouissent d’une totale liberté de parole. D’ailleurs, les jeunes filles utilisent aussi bien les outils numériques que les jeunes garçons. En tant qu’outil de démocratie des droits humains, le digital est aussi un outil de démocratie entre hommes et femmes.
*Sondage exclusif CSA / ORANGE / TERRAFEMINA réalisé en ligne du 12 au 14 février. Echantillon national représentatif de 803 personnes actives occupées et âgées de 18 ans et plus, constitué d'après la méthode des quotas (sexe, âge, profession du répondant), après stratification par région et catégorie d’agglomération.
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