Denise Silber est la fondatrice de Basil Stratégies, société de conseil en marketing sur la E-Santé et présidente de l’Association pour la qualité de l’internet santé (AQIS). Elle a également signé plusieurs ouvrages concernant le système de soins, aux Editions de l'Institut Montaigne. Elle enseigne à l’Essec Santé et tient un blog éponyme référent dans l'E-Santé.
Denise Silber : C’est une question récurrente, qui correspond en fait à une crainte d’ordre socioculturel : est-ce qu’Internet peut remplacer le médecin ? Au fond personne ne souhaite cela. Tous les individus veulent savoir ce que leur professionnel de santé pense de « leur » cas, ils veulent une information personnalisée. Néanmoins Internet répond à une envie d’information et d’échange de la société, et dans le domaine de la santé un certain nombre de personnes qui se sentent concernées vont chercher à multiplier les sources d’information pour optimiser la consultation. Lorsqu’ils arrivent chez le médecin ces patients proactifs ont déjà déblayé le terrain pour poser des questions plus intelligentes, même si cette recherche de dialogue n’est pas nécessairement bien vue du médecin, qui n’a pas le temps, et qui n’a pas été formé à cela. L’information en ligne n’est donc pas du tout incompatible avec la médecine traditionnelle : en améliorant l’accès à l’information, on améliore aussi l’accès aux soins.
D. S. : Il faudrait analyser chaque site, chaque page, maladie par maladie pour se prononcer. Mais l’important n’est pas tellement le détail des articles en ligne mais plutôt la synthèse que les internautes en font. De Wikipédia à Doctissimo, c’est l’ensemble des informations récoltées sur les sites qui compte. Et sur ce point la hiérarchie des pages effectuée par Google est plutôt vertueuse : les internautes lisent les premiers résultats, souvent les plus fiables. L’information médicale n’est pas définitive et elle peut difficilement être scientifiquement complète, l’intérêt réside dans la multiplication des sources. Et enfin, la preuve de l’impact délétère d’une mauvaise information venant d’Internet reste à faire.
D. S. : En effet les gens ont peur de ce genre de scénario à la Big Brother, où l’écran viendrait remplacer la relation humaine du médecin au patient. Mais il y a beaucoup de cas où l’idée de l’écran pourrait passer : s’il est deux heures du matin et que vous ressentez une douleur très vive dans le pied, vaut-il mieux boiter jusqu’aux urgences ou voir un docteur par webcam qui peut vous éviter de vous déplacer ? La caméra peut aussi remplacer le téléphone pour toutes les questions que l’on se pose sans nécessairement avoir besoin d’un examen physique. Et enfin, nous n’habitons pas tous à côté du « spécialiste » de notre problème, sans oublier la forte réduction du nombre de médecins généralistes en France…
D. S. : Ce n’est pas surprenant, les femmes sont les chefs de foyer en matière de santé. Ce sont elles qui vont à la pharmacie, ce sont elles qui s’intéressent aux problèmes de santé de toute la famille, de leurs ados à leurs parents âgés, elles représentent la majorité de la catégorie des « aidants ». Les jeunes, eux, se posent beaucoup de questions sans oser les poser dans le cercle familial ou solliciter une consultation médicale, ils trouvent leurs réponses sur Internet à la fois par des lectures mais aussi par le dialogue avec d’autres ados. La plupart des hommes, c’est vrai, s’intéressent beaucoup moins à ces sujets, mais ils consultent tout de même Internet pour leur cas personnel.
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