Chantal Brunel : Je souhaite que cette proposition de loi ne soit pas un texte de plus mais la source de mesures efficaces et d’un réel changement. Parmi ces mesures, la création d’un délit de violences psychologiques permet de contrer la violence à sa source. En effet, on sait aujourd’hui que, dans de nombreux cas, la violence verbale, les menaces, les humiliations, les actes d’intimidation (etc.) précèdent les coups. La création de ce délit permettra de faire en sorte qu’une victime de telles violences puisse se retourner contre son conjoint dès cette « première étape ».
CB : Il faut savoir que 4 femmes sur 5 victimes de violences n’osent pas porter plainte. L’ordonnance de protection est une démarche confidentielle. La femme victime pourra se rendre au commissariat et, sans porter plainte, demander la délivrance d’une ordonnance de protection. La demande est transmise au juge. En très peu de temps, elle peut se voir accorder des mesures de protection comme un logement d’urgence, l’éviction du conjoint, la stabilisation financière ou encore la délivrance de papiers pour les femmes sans papiers victimes de violences. Cette mesure aura pour effet de libérer la parole et de rendre applicable l’arsenal législatif en vigueur.
CB : On voit se développer, depuis seulement quelques années, une industrie de sévices sexuels à l'écran. Des scènes de zoophilie, des tortures sexuelles filmées et mises en ligne sur des sites gratuits, auxquels on peut accéder en deux clics ! Souvent, ces sites ne vous demandent même pas si vous êtes majeur! Toute une nouvelle offre a fait son apparition avec la problématique de la vengeance ou de la destruction à vie. Le porno doit faire mal. C’était moins le cas auparavant.
CB : Le problème vient du fait que, depuis la révolution de l'Internet dit « de deuxième - puis de - troisième génération(s) », n'importe quel internaute peut être la source du contenu en ligne. C'est un immense progrès, mais c'est aussi à l'origine de l'apparition d'un porno « amateur » qui est devenu la source de toutes ces horreurs. Trop de parents ignorent ce phénomène. Or ces images – cela a été prouvé par plusieurs études – peuvent être traumatisantes pour un public jeune.
CB : Il faut, comme je l'ai dit, responsabiliser les Fournisseurs d’accès à internet-FAI. Mais rien ne peut se passer à une échelle nationale. Quand bien même la police parviendrait à retrouver l'éditeur d'un de ces contenus, elle ne peut rien faire dès lors que ce dernier est localisé à l'étranger !
C'est pourquoi il faut commencer par créer un cadre commun international qui régule cet environnement, une sorte de Copenhague de l'Internet, mais qui débouche sur un accord mondial. Il faut investir dans la recherche technique afin de trouver des outils de maîtrise d'accès à certains contenus du Web.
Avant cela, il faut déjà donner plus de moyens à l’Office Central de Lutte contre la Criminalité dans les Technologies d’Information et de Communication – O.C.L.C.T.I.C-, chargé de contrôler certains contenus du Web.
CB : Oui, il existe certainement une tendance à l’exhibition. La raison n’est pas lointaine : les jeunes ayant un accès « 360° » à l’image, il s’est produit naturellement une banalisation de certains contenus et de leur perception. Il y a cinquante ans, le fait de dévoiler certaines parties intimes du corps en gros plan constituait déjà un phénomène « à part ». Aujourd’hui, pour attirer l’internaute, on plonge dans un excès de réalisme et dans le piège de la violence. Le porno ne suffit plus.
Des études américaines ont montré qu’une exposition trop jeune à la violence pouvait entraîner un comportement violent. Aujourd’hui, ce sont les enfants qui tombent sur ces contenus dans lesquels l’image véhiculée de la femme est profondément dégradée.
CB : L’observatoire des violences faites aux femmes serait selon moi une grande avancée, et d’autant plus s’il permet d’intégrer cette violence pernicieuse véhiculée par Internet. Je ne sais pas s’il pourrait remédier à cette violence, mais le fait de pouvoir l’identifier serait déjà un premier pas conséquent.
Cette violence sur Internet est largement ignorée, non seulement du grand public mais également de la sphère politique. Beaucoup de gens partent du principe que toucher à Internet, c’est s’attaquer à la liberté de chacun. Or lorsque cet outil permet la divulgation à des mineurs de scène de tortures et de barbarie, je ne vois pas très bien où se trouve la liberté. En tous cas pas celle à laquelle je crois.
Chantal Brunel est députée UMP en Seine-et-Marne et vice-présidente de la commission spéciale de l’Assemblée nationale qui examine la proposition de loi relative à la lutte contre les violences faites aux femmes.
Pour en finir avec les violences faites aux femmes
De Chantal Brunel, le cherche midi, 17 Euros.
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