Passionné d’Histoire et conteur passionnant ; auteur, journaliste, chroniqueur, Gonzague Saint-Bris a signé la biographie des plus grandes figures – surtout romantiques – de l’Histoire, comme Vigny, Dumas, Balzac, Sand, Flaubert ou La Fayette. À la question « pourquoi faut-il lire des biographies ? » Gonzague Saint-Bris répondait l’année passée sur web-tv-culture.com : « parce qu’il faut se comparer à plus grand que soi. » Découvrons donc la vie de la grande Rosa Bonheur, cette singulière Bordelaise qui voulait être peintre, qui conjuguant passion, énergie et génie, a su conquérir les Salons de Paris, L’Europe et l’Amérique et qui, comme George Sand et Sarah Bernhardt, a choisi la liberté, devenant une figure d'un féminisme naissant.
Enfant turbulente et sauvage Rosalie Bonheur est un garçon manqué. Elle passe son enfance à la campagne, au Château de Quinsac, une enfance dont elle conservera un goût d’Eden. Fascinée par la beauté de la nature qui l’entoure et surtout par le monde animalier et poussée par son père - lui-même peintre - Rosalie sent poindre sa vocation très tôt. Elle sera peintre. Mais lorsque toute la famille Bonheur débarque dans le Paris de Charles X, cette enfance champêtre et idyllique prend fin brusquement.
Puisque peintre elle veut devenir, Rosa forcera son émancipation, qui se fera par la masculinisation forcée - à une époque où « les hommes seuls [mettent] au monde des chefs d’œuvre et les femmes des enfants ». Refusant le modèle de soumission féminine imposé par son siècle, fumant, à l’instar de George Sand cigares et cigarettes et formant ménage avec sa plus fidèle amie Nathalie Micas, cette affranchie se lance à la conquête de Paris. Admise nulle part et surtout pas à l’École des Beaux-arts à cause de son sexe, Rosa Bonheur fera ses classes elle-même. On suit donc au fil des pages le parcours énergique de l’artiste, des années d’apprentissage où elle arpente les marchés aux bestiaux en pantalon et les couloirs du Louvre son matériel sous le bras devant un parterre d’étudiants sarcastiques, aux heures de retraite glorieuse où elle reçoit la visite des plus grands et la légion d’Honneur de la main de l’impératrice Eugénie. Elle qui admirait les Américaines, plus avancées que les Européennes sur le plan de l’émancipation, elle va bientôt les séduire, elles et leurs compatriotes, devenant une star outre-Manche et outre-Atlantique.
Sous l’œil des immenses figures artistiques de l’époque comme Ingres et Delacroix qui jugèrent son œuvre au salon de 1848, les frères Goncourt ou Théophile Gautier, Rosa égalera les plus grands. L’artiste se retirera en 1859 dans le domaine de By, à Thomery, près de la forêt de Fontainebleau où elle vivra avec sa compagne de toujours Nathalie Micas puis plus tard avec Anna Klumpke, une portraitiste américaine. Là, elle recevra nombre de personnalités de l’époque dont… Buffalo Bill avec qui elle se liera d’amitié. Dans ses tableaux monumentaux, elle ne cessera d’exalter la beauté et la puissance des animaux auxquels elle consacrera sa vie (elle a toujours hébergé, à By et ailleurs, moutons, oiseaux, chiens, chats, écureuils, chevaux et même lions) et son œuvre.
« J’aime vivre avec des gens qui ne sont plus là mais dont le cœur palpite encore » expliquait Gonzague Saint-Bris dans une interview, évoquant ces personnages historiques dont il a voulu nous faire partager la destinée. On aime aussi sentir palpiter au fil des pages celui de Rosa Bonheur, une artiste qui a choisi la liberté et l’a acquise pour et par l’art et dont les principaux tableaux sont à découvrir au musée d’Orsay (Labourage nivernais), au musée des Beaux-Arts de Bordeaux (La foulaison du blé en Camargue) ou au Metropolitan Museum de New York (Le marché aux chevaux). On peut également visiter son atelier au château de By.
Rosa Bonheur. Liberté est son nom. En librairie le 23 janvier 2012.
Labourage nivernais, 1848
Le marché aux chevaux, 1853
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