Décembre 1997, à bout de force, une petite fille de 11 ans écrit son testament. Son père est mort de faim, sa mère et sa sœur sont parties depuis 6 jours pour tenter de trouver quelque nourriture et ne reviennent pas. Cette petite fille s’appelle Eunsun. Nous sommes à Eundeok en Corée du Nord, le pays le plus fermé du monde, où la population, ravagée par la famine, ignorante et ignorée du reste du monde, meurt à petit feu sous la houlette de la dynastie des Kim. En Corée du Nord, on vénère les dirigeants comme des dieux, à l’école, on fait son autocritique en public, les matières les plus importantes sont l’« éthique communiste » et « l’étude de la vie des dirigeants ». À la maison, des chefs d’unité de voisinage surveillent que le quartier file doux et pense droit. En Corée du Nord surtout, on meurt de faim.
À Endeok, la mère d’Eunsun finit par revenir avec sa fille aînée, in extremis et les mains vides. Sa décision est prise. Elle décroche les portraits encadrés de Kim il-Sung et Kim Jong-il, (un acte passible de la peine de mort), en fait du petit bois et le vend pour récupérer quelques sous. Son geste n’est pas un acte politique mais un dernier sursaut de survie. Avec ce maigre pécule, elle va fuir avec ses deux filles vers la Chine. « Nous n'avions qu'une idée en tête en traversant la rivière Tumen gelée qui fixe la frontière avec la Chine : manger ! Ce n'est que plus tard que j'ai développé ma conscience politique et compris l'horreur de ce régime totalitaire », raconte Eunsun.
C’est le début d’un périple infernal et clandestin à travers la Chine, puis la Mongolie qui durera neuf ans et au cours duquel rien ne leur sera épargné. La mère sera vendue à un paysan chinois et contrainte de lui donner un fils. Entre arrestations, interrogatoires et évasions, vendues, dénoncées… parfois aidées, elles progressent lentement, à la merci des patrouilles chargées d’empêcher toute fuite du pays et livrées à des « passeurs » à qui il faut faire confiance.
En 2006, Eunsun atteint enfin sa terre promise, la Corée du Sud. Là, elle obtient une carte d’identité, un appartement, une vie. Elle reprend l’école après 9 ans d’interruption. Là surtout, elle décide de témoigner, « pour que la planète ouvre les yeux sur la situation terrifiante des Nord-Coréens » et pour peut-être voir un jour le peuple de Corée libéré d’une dictature qui depuis des années le maintient en esclavage dans la misère.
Corée du Nord, 9 ans pour fuir l'enfer, Eunsun Kim et Sébastien Falletti, éditions Michel Lafon, 17,95€.
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