Racoleur, curiosité malsaine, impudique, commercial... Tels sont les mots qu'on entend le plus souvent quand on évoque le livre-témoignage de Natascha Kampusch, enlevée à dix ans sur le chemin de l'école et parvenue à s'enfuir après dix ans de tortures infligées par ce quasi voisin qui l'enferma à quelques kilomètres de chez elle pour en faire son esclave domestique.
Et pourtant, malgré quelques passages pénibles dans lesquels la jeune femme évoque rapidement les coups endurés, on est davantage plongés dans l'analyse du processus de survie mis en place par la prisonnière pour ne pas plier aux tortures psychiques infligées par "le ravisseur", tel qu'elle le nomme toujours. Car tout le but de celui-ci sera, durant ces dix années, de faire admettre à sa captive que plus personne à l'extérieur de l'attend, qu'elle ne peut être heureuse qu'avec lui, et que son présent et son avenir n'ont d'autre horizon que les quatre murs entre lesquels elle doit se réinventer un quotidien. Ecriture, peinture, rêves et fantasmes sont autant de moyens de ne pas sombrer dans la folie, et de tenir tête à celui qui représente à la fois le salut et le martyr de la jeune fille.
Affamée, accablée, Natascha Kampusch flirte parfois avec l'idée du suicide comme seul échappatoire... "On est parfois soulagé lorsque la douleur physique dépasse par instants les tortures de l'âme". Ce témoignage force le respect, et si l'auteur se défend d'avoir succombé à ce qu'on appelle trop facilement le "syndrome de Stockholm", son analyse du rapport ravisseur-prisonnier est suffisamment passionnant et mature pour écarter la culpabilité qui pourrait étreindre le lecteur.
"3096 jours", de Natascha Kampush, publié chez Jean-Claude Lattès. 307 pages. 20 €