Culture
"Fifty Shades of Grey" : pourquoi vous allez aimer
Publié le 28 août 2012 à 10:36
Par Marine Deffrennes
C'est le livre le plus attendu de l'automne. Après 40 millions d'exemplaires vendus en anglais, la version française de « Fifty Shades of Grey »* fait déjà couler une encre pas toujours sympathique. Le « mommy porn » de E.L. James va pourtant tenir éveillées quelques millions de Françaises. On l'a lu en VO, et on vous dit pourquoi ce roman érotique pour midinettes va vous tourner la tête.
"Fifty Shades of Grey" : pourquoi vous allez aimer "Fifty Shades of Grey" : pourquoi vous allez aimer
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Le libraire qui m’a vendu le deuxième tome de la trilogie « Fifty Shades », (« Fifty Shades Darker »), m’a regardée d’un drôle d’air. Croyant avoir trouvé un fan avec qui déblatérer, je lui demande s’il l’a lu avec des yeux ronds et hilares. « Certainement pas ». Monsieur marmonne entre ses dents qu’il ne lit pas ce genre de livre, il s’en « débarrasse ». Même scène pour l’acquisition du tome 3 (« Fifty Shades Freed »). Il y a quelque chose de diabolique dans ce livre qui exaspère les libraires et les critiques, garants de la bien-pensance littéraire.
Voilà pourtant un roman beaucoup moins déprimant que les opus suicidaires et spleenesques qui vont envahir nos tables de chevet pour cause de rentrée littéraire. Une première raison de succomber avant d’entamer le dernier Amélie Nothomb…

Le coup de génie de l’ex-productrice de télé E.L. James est d’avoir réussi le parfait medley des films cultes de notre post-adolescence. Anastasia Steele est une complète ingénue, une intello qui a gardé sa virginité intacte jusqu’à ses 21 ans malgré elle, faute d’être tombée sur un mec qui la fasse chavirer, soit un petit air d’Annette Hargrove (« Sex Intentions ») ou de la présidente de Tourvel dans l’œuvre de Laclos... Valmont est un ange à côté du sex symbol qu’Ana Steele rencontre dans son bureau en haut d’une tour de Seattle. Pour la première fois, la jeune proie se met en danger. Et nous voilà frémissant à l’idée qu’elle penche du côté obscur de son Prince charmant.

Comme pour le couple de Twilight, dont E.L. James s’est inspirée au début de la rédaction de son roman, la relation amoureuse semble inenvisageable, du fait de la nature même des personnages. La Belle et la Bête peuvent-ils vraiment vivre heureux ? Non. Mais ils peuvent « baiser ». Car il n’est pas question de faire l’amour dans le « mommy porn », du moins au début. Le sadique Christian Grey n’imagine le sexe que comme une série de mises en scène dans sa salle de jeu, un clin d’œil peut-être à James Spader dans « Sexe, mensonges et vidéo », et sa noirceur n’a d’égal que la générosité de ses cadeaux à sa dominée. Christian Grey rejoint alors Edward Lewis (« Pretty Woman »), sur le banc des hommes d’affaires heureux de faire chauffer la Gold pour remplir les placards de leur objet sexuel, « je ne savais pas ce que tu prenais, j’ai commandé tout ce qu’il y avait sur la carte »… On retrouve aussi un peu de John Gage (Robert Redford, « Proposition indécente »), dans le sourire en coin de Mr Grey, lorsqu’il sent qu’il mène le jeu, mais aussi lorsque celui-ci lui échappe. Avec la classe et la sensibilité d’un Thomas Crown, Mr Grey se met finalement à nu face à la très patiente Ana : l’exploration d’une relation aux frontières de l’acceptable commence, on est en plein « Eyes Wide Shut »… Pourtant au milieu des cravaches, des menottes et des godemichets, le scénario retrouve le sentier balisé de la comédie romantique et fleur bleue. Et c’est tout ce qu’on attendait…

« Fifty Shades of Grey » est sans doute le meilleur roman érotique pour midinettes éclairées qui soit paru depuis longtemps. Que celle qui n’a jamais rêvé de devenir le centre du monde d’un prince sublime et abîmé par la vie me jette le tome 1 à la figure...

*« Fifty Shades of Grey », de E.L. James, First Vintage Book Edition
Sortie en France le 17 octobre chez JC Lattès, « 50 nuances de Grey ».

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