Alors que le verdict du procès d’Anders Breivik vient de tomber en Norvège, un certain texte dans un recueil de l’écrivain français Richard Millet n’est pas passé inaperçu dans le pays : en effet, dans son « Éloge littéraire d’Anders Breivik » tiré de « Langue fantôme » paru aux éditions Pierre-Guillaume du Roux, l’auteur décrit la « perfection formelle » de la tuerie du Norvégien et sa dimension « littéraire ». C’est le quotidien national Aftenposten qui a mentionné le premier le texte dans son édition du 23 juillet, attirant l’attention sur le titre.
Inconnu jusqu’alors en Norvège, où il a désormais une notice Wikipédia à son nom, Richard Millet est loin de l’être en France. Il est éditeur et membre du comité de lecture de la célèbre maison d’édition Gallimard, et auteur prolifique, titulaire notamment du prix de l’essai de l’Académie française de 1994. Le 24 août, soit le jour du verdict du procès Breivik, paraît « Langue fantôme », le recueil de Millet dans lequel on peut lire son éloge du tueur.
Depuis, c’est le branle-bas de combat aux éditions Gallimard. Tahar Ben Jelloun, écrivain de la maison, estime que Richard Millet « perd la tête » et que son texte « risque de poser un problème au comité de lecture ». Pour l’auteure Annie Ernaux, cet éloge est un « acte politiquement dangereux ». « Son idéologie, ses prises de position engagent la maison. La question d'une réaction collective est maintenant posée à tous les écrivains Gallimard » a-t-elle ajouté.
Qu’en pense la maison ? En 2008, Antoine Gallimard déclarait qu’il ne publierait plus de livre comparable à « L’Opprobre », un texte de Millet déjà très controversé. Mais M. Gallimard, actuellement en vacances, ne s’est pas prononcé sur l’éloge. Il avait par le passé qualifié Richard Millet de « meilleur éditeur » de la maison. Au vu des prises de position extrémistes de l’auteur, va-t-il s’en séparer ?
Apologie du crime, de Breivik à al-Assad
Dans son texte, Richard Millet commence par dire qu’il n’approuve pas le crime de Breivik, puis il explique plus loin que le tueur n’est pas un fou, mais un « signe désespéré, et désespérant, de la sous-estimation par l'Europe des ravages du multiculturalisme », dont les actes sont « au mieux une manifestation dérisoire de l'instinct de survie civilisationnel ». Au cours des dix-huit pages du texte, on peut également lire que « dans cette décadence, Breivik est sans doute ce que méritait la Norvège, et ce qui attend nos sociétés qui ne cessent de s'aveugler pour mieux se renier ».
Dans son autre livre paru en même temps, « De l’antiracisme comme terreur littéraire », où il écrit qu’être un auteur détesté fait de lui un être d’exception, Richard Millet cible l’immigration extra-européenne et la social-démocratie comme causes de l’effondrement de l’Europe, où « une guerre civile est en cours » selon lui.
Alors que ses textes sont de plus en plus marqués idéologiquement, beaucoup chez Gallimard pensent que Millet essaie d’attirer l’attention, allant cette fois-ci très loin en étant le premier à oser faire l’apologie des crimes de Breivik. Mais il n’en est pas à sa première provocation : en mai, il publiait « Printemps syrien », un pamphlet dans lequel il soutient ouvertement Bachar al-Assad.
Source : lemonde.fr
Crédit photo : AFP
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