Véronique Cazot : À vrai dire, je n'avais pas prévu d'aborder ce sujet lors de l'écriture du tome 1, mais ce thème s'est imposé à moi. Mon éditrice, Anaïs Vanel, et la dessinatrice du premier tome, Madeleine Martin, m'ont tout de suite encouragée dans cette voie. Nous avions toutes les trois constaté une grande ignorance autour de l'avortement, et un grand tabou sur ce sujet, qui concerne pourtant tant de femmes et de couples.
V. C : Pour moi, il n'y a pas mieux que l'humour pour aborder les sujets délicats. Les rares livres que j'ai pu trouver sur le sujet ne parlent que de drames et d'expériences traumatisantes. Sur Internet, à part quelques sites sérieux et impartiaux, on trouve absolument tout et n'importe quoi : en quelques clics, on se sent vite perdu et totalement effrayé. L'avortement n'est jamais une partie de plaisir, seulement une nécessité. Au-delà des démarches souvent compliquées et de l'intervention médicale plus ou moins éprouvante, c'est surtout la culpabilisation et le jugement qui s'abattent sur les femmes qui ont recours à l'IVG. C'était important pour Madeleine et moi de ne porter aucun jugement sur notre personnage et sur ce choix si intime, de parler de ce sujet avec douceur et respect. C'était aussi important d'y apporter un point de vue multi-générationnel, et de rendre hommage à celles et ceux qui se sont battus pour nos droits à l'époque où les femmes risquaient encore leur vie ou la prison en avortant.
V. C : Je pense que oui. Les réactions autour de l'avortement sont parfois très violentes, et ce droit est sans cesse remis en question. Il y aura toujours des accidents de parcours et des grossesses non-désirées ; ce droit protège les femmes, il est pour moi indiscutable. Après, encore une fois, je ne suis pas dans le jugement. Je respecte l'idée qu'on ne puisse pas comprendre le choix d'avorter. En revanche, je ne serai jamais d'accord avec ceux qui n'acceptent pas ce choix qui ne les regarde pas. Dans notre album, je ne suis là ni pour encourager l'avortement, ni pour discuter cette décision, mais pour parler de ce qu'il se passe à partir de ce choix.
V. C : Nous aimerions que les jeunes femmes puissent avoir accès à la BD dans les plannings familiaux, pour qu'elles y trouvent un soutien amical supplémentaire dans une période où l'on peut se sentir très seule. Mais je ne sais pas encore si cela sera possible…
V. C : Mes personnages sont inventés et nourris d'expériences réelles. Je me suis effectivement pas mal inspirée des témoignages du blog « Je vais bien, merci », mais j'ai eu la chance de recueillir également beaucoup de témoignages d'amis ou de connaissances. Cela a été plus facile que je l'imaginais et j'ai eu de très beaux échanges avec des personnes ravies de pouvoir échanger librement sur ce sujet dont personne ne parle et qui fait pourtant, aussi, partie de la vie.
V. C : La culpabilisation est très active dans notre société et les femmes en sont encore aujourd'hui les premières victimes. Après, plus que les questions de femmes, ce sont les inégalités et les injustices qui m'intéressent. Et la liberté du choix de vie. Le non désir d'enfant, l'avortement, la contraception, la sexualité, ça concerne toujours deux personnes et les hommes se mettent (ou sont mis) encore trop souvent à l'écart de ces questions. Dans cet album, j'ai tenu à ce que l'avortement soit une affaire de couple et pas seulement une « affaire de bonne femme » comme certains peuvent le dire. En matière d'IVG, les femmes ont vite fait de passer pour des idiotes irresponsables « qui auraient dû faire plus attention ». Pourtant, combien d'entre nous, hommes ou femmes, peuvent se vanter de n'avoir eu aucun rapport à risque, volontaire ou pas, tout au long de sa vie sexuelle ? Certains ont juste plus de chance que d'autres.
Véronique Cazot et Madeleine Martin, « Et toi, quand est-ce que tu t’y mets ? » - Tome 1 « Celle qui ne voulait pas d’enfant »- Tome 2 « On l’appellera Simone », éditions Fluide.G
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