Culture
"Demain" de Guillaume Musso : "Les femmes ont pris le pouvoir dans mes livres"
Publié le 28 février 2013 à 09:46
Par Fanny Rivron
Il sort son dernier roman ce 28 février. Guillaume Musso - héros national de la littérature – nous a parlé de ce mystérieux Demain (XO Éditions), un polar à rebondissements où les femmes mènent la danse.
"Demain" de Guillaume Musso : "Les femmes ont pris le pouvoir dans mes livres" "Demain" de Guillaume Musso : "Les femmes ont pris le pouvoir dans mes livres"© Emanuele Scorcelletti
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C’est un vrai polar à l’américaine. Emma, une jeune new-yorkaise borderline à tendance suicidaire fait connaissance par un hasard informatique avec Mathieu, un jeune prof de philo veuf et pas au meilleur de sa forme non plus. Ils décident de se rencontrer, n’y parviendront jamais : elle vit en 2010, il vit en 2011. Faille temporelle, enquête, suspense, et amours contrariées, tous les ingrédients Musso sont là.

Terrafemina : L’intrigue de votre roman a pour point de départ un échange de mails entre un homme et une femme qui vivent à une année de décalage l’un de l’autre, d’où tirez-vous cette idée ?

Guillaume Musso : C’est un article que j’ai lu en 2005 ou en 2006 qui parlait d’un service internet qui permettait de s’envoyer ou d’envoyer des mails dans le futur. On paramétrait le système pour que le destinataire ne reçoive le mail qu’à une époque donnée. J’ai trouvé ça très fécond comme idée, pour un romancier. J’avais commencé à écrire l’histoire d’une jeune femme qui vient de se faire quitter par son amant et qui écrivait toute sa détresse dans un mail que l’amant ne devait recevoir que 20 ans plus tard. Il recevait ce mail du passé et se lançait sur les traces de cette ancienne maîtresse… une histoire qui est restée à l’état d’embryon.

Mais cette idée de la distorsion du temps, on la retrouve dans beaucoup de mes romans c’est quelque chose sur lequel j’ai déjà travaillé et c’est inépuisable. Mais là, je voulais que ça ne soit que le point de départ de l’histoire, le cœur du roman c’est vraiment l’enquête qu’Emma mène sur Mathieu et sur Kate (l’ex-femme de Mathieu, décédée dans un accident de voiture ndlr). Je voulais faire un thriller domestique à la Hitchcock. Comme souvent chez moi, le fantastique est un prétexte ludique et attrayant pour parler de thèmes un peu plus profonds, ici l’apparence au sein d’un couple.

Tf : Boston est presque un des personnages principaux du roman, ses cafés, ses restaurants, ses hôtels – pourquoi ?

G. M. : Là, Boston avait un écho particulier par rapport au roman, c’est le berceau de l’Amérique, des grandes universités et des centres de recherche… c’est Cambridge et le MIT (Massachusetts Institute of Technology). C’est là qu’est né Facebook… Et dans l’architecture, on passe de choses complètement liées au passé aux buildings ultramodernes. D’ailleurs la photo typique que l’on prend quand on est à Boston c’est les monuments anciens qui se reflètent dans les vitres des gratte-ciel donc pour moi c’est la ville parfaite où le passé côtoie et s’entrecroise avec le futur, ça fait écho au thème du roman.

Tf : Lequel des personnages vous ressemble le plus ? Le prof de philo Shapiro ? Emma ? ou Romuald, l’ado grassouillet et geek ?

G.M. : Quand on écrit, on est un peu diffracté à travers ses personnages. Pour qu’ils soient vivants, il faut que je sois en empathie avec eux et pour être en empathie, je suis obligé de mettre un peu de moi à chaque fois. C’est pour ça que je n’écris jamais de thrillers trop gores. J’en parlais avec mon ami Maxime Chattam, qui écrit des romans très très violents et je lui disais : « ça doit être compliqué de te mettre dans la tête d’un tueur pendant un an, moi je n’y arriverais pas parce que je serais obligé de mettre de la distance entre le tueur et moi ». De manière générale, c’est plus dans l’héroïne que je me retrouve. Mais j’ai mis de moi adolescent dans Romuald et j’ai été professeur d’économie pendant 10 ans donc forcément il y a un peu de moi dans Mathieu… Mais mon personnage préféré et aussi le plus dense c’est Emma. C’est vrai pour mes romans précédents aussi, je me retrouve plus souvent dans la complexité du personnage de l’héroïne.

C’est vraiment un roman où les femmes mènent la danse et où le prétendu héros est sympa… mais c’est une marionnette et il passe d’une marionnettiste à l’autre. Depuis trois, quatre livres, les femmes ont pris le pouvoir, je prends plus de plaisir, je ne sais pas pourquoi d’ailleurs, à écrire sur des héroïnes très fortes alors que le personnage masculin est beaucoup plus en retrait. Il tient son rôle mais c’est jamais lui qui a les cartes en main et c’est jamais lui qui mène véritablement l’action.

Tf : Si vous aviez la possibilité d’entrer en contact avec une personne qui vit un an avant vous, sur quoi lui demanderiez-vous d’intervenir ?

G.M. : Le premier roman que j’ai écrit en 2004 Et après, je l’ai écrit après un accident de voiture que j’ai eu, qui m’a vraiment marqué et qui m’a fait voir la vie un petit peu autrement, à travers le prisme de la philosophie stoïcienne à savoir : « Fais deux listes. Une liste de choses sur lesquelles tu ne peux pas agir et ces choses-là accepte-les puisque de toute façon tu n’as pas de prise sur ça et par contre bats-toi pour les choses sur lesquelles tu as une vraie prise ». J’ai un degré d’acceptation de la vie assez élevé donc je n’ai pas ce fantasme-là, de changer les choses. C’est bateau mais tellement vrai : la souffrance principale des gens vient des regrets qu’ils ont par rapport au passé ou alors des espoirs tellement démesurés qu’ils projettent sur leur futur. Et finalement on est tout le temps tiraillé entre quelque chose qu’on ne peut pas changer et quelque chose qu’on ne maîtrise pas ou si peu. Au risque de passer à côté d’aujourd’hui, maintenant. C’est très facile à dire, c’est beaucoup plus difficile à mettre en place.

Tf : Vous placez une phrase en exergue au début de chaque chapitre. Du Ovide, du Emilie Dickinson… Quelle serait, selon vous l’aphorisme le plus représentatif de votre roman ?

G.M. : La phrase qui synthétise le mieux le sujet du livre est en exergue de l’épilogue, elle est de Pascal Mercier : « S’il est vrai que nous ne pouvons vivre qu’une seule partie de ce qui est en nous, qu’advient-il du reste ? ». On fait les choix, on les assume mais que ce serait-il passé si on avait fait un autre choix.

Tf : Des projets pour la suite ?

G.M. : Depuis plusieurs années, j’aimerais écrire une trilogie avec une héroïne récurrente. La possibilité de prendre son temps, de faire évoluer ses personnages sur une longue période… Mais il faut être sûr d’avoir envie de rester avec ses héros.

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