Philippe-Joseph Salazar : Ce livre s'adresse aux citoyens qui ne savent pas ce qu’est un argument politique et à ceux qui s’imaginent que le bon sens suffit à comprendre nos dirigeants. Ce sont ceux-là même qui sont convaincus que les hommes politiques sont « tous des pourris », qu’ils ont « toujours les mêmes discours ». Ils s’imaginent que la politique est affaire de vérité, quand elle n’est que l’adjudication temporaire d’opinions qui déterminent des mesures, elles aussi temporaires, et qui, sur le long terme, ont souvent des effets désastreux comme le traité de Maastricht. Pour moi, comprendre la rhétorique est donc une affaire d’hygiène politique.
P-J. S. : Aucune puisque ni les communicants ni les politiciens ne savent réellement de quoi il s’agit. Ici il ne faut pas confondre « éloquence » et « rhétorique ». Évidemment les hommes politiques sont « éloquents ». C’est d’ailleurs grâce à cette qualité qu’un candidat peut faire basculer le petit pourcentage de votants qui, à chaque élection, décide du résultat final, mais il ne s’agit pas de rhétorique en tant que telle.
En effet, la vraie rhétorique consiste à fabriquer des arguments permettant à la population de comprendre un programme, les accusations portées à un adversaire ou le descriptif des valeurs, et pas seulement de les écouter. D’ailleurs, dans un vrai débat, les participants devraient toujours commencer par écouter la proposition adverse puisque, à l’évidence, un programme bien ficelé ne nécessite pas d’éloquence : sa légitimité doit s’imposer d’elle-même. Il est donc important d’écouter l’autre car les idées politiques sont toujours des moments de discours rendus « évidents » soit par le recours à des preuves raisonnables, soit à des preuves émotionnelles, soit à des preuves de valeur.
P-J. S. : Chacun avait le style qui convenait au courant qu’il soutenait. François Hollande en Chirac de jadis, Martine Aubry en Merkel française ou encore Arnaud Montebourg en Rocard de « très-jadis ». En résumé, chacun est resté dans le personnage oratoire correspondant au courant socialiste dont il est l’image.
Mais dans cet exercice, je trouve que François Hollande se place au-dessus de la mêlée. Il sait à la fois argumenter du tac-au-tac, plaisanter naturellement, conduire une discussion, sans jamais en faire trop. Je me souviens d’ailleurs d’un débat l’opposant à Nicolas Sarkozy, avant les élections présidentielles de 2007. En ce sens, je trouve que ces deux orateurs se ressemblent beaucoup. C’est d’ailleurs réconfortant pour les électeurs qui, en dernière analyse, n’auront pas à faire un choix radical ; rien à voir avec l’altercation stupéfiante qui, aux États-Unis, opposera Barack Obama à son challenger républicain.
P-J. S. : Mon dernier ouvrage « Paroles de Leaders » ou le précédent « L’Hyperpolitique », réservé à un public plus averti toutefois, peuvent les y aider. Mais justement, vous pointez du doigt l’absence de formation, et c’est bien là que le bât blesse : le peu de formation à la rhétorique qui existait encore au lycée il y a quelques année (par l’analyse littéraire et un peu de logique en classe de philosophie) est aujourd’hui inexistante.
Mais, une gymnastique intellectuelle peut permettre de décrypter de tels discours. Ainsi, dès que vous entendez le « message » d’un homme politique, posez-vous trois questions : à qui s’adresse en réalité ce discours ? Quelle est la part de scénario, de retour sur le passé et d’appel aux valeurs ? Et si ce discours vous semble crédible, pour qui ne l’est-il pas et pourquoi ?
P-J. S. : Je pense que chacun devrait faire davantage confiance à son intelligence et moins à « l’information ». C’est le début de la formation rhétorique.
Philippe-Joseph Salazar
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