Quand l'information quotidienne devient gratuite
Février 2002 : le lancement du quotidien Metro, suivi de très près, en France, par celui de son concurrent 20 Minutes, affole la presse payante. Après Internet, cette nouvelle source d’information gratuite fait en effet craindre aux journaux payants un effondrement des ventes et une perte de leur lectorat. Y voyant une réelle menace, des quotidiens comme Libération tirent alors la sonnette d’alarme sur les éventuelles conséquences de cette intrusion. Mais dix ans plus tard, et bien que le marché français de la presse écrite soit à la peine, le débarquement tant redouté semble avoir fait moins de dégâts que prévu.
Rien d’étonnant à cela si l’on en croît Jean-Christophe Thiery, président de Bolloré Média (éditeur de Direct Matin) qui estime que les gratuits n’entrent pas en concurrence avec la presse payante. « Le journal gratuit a pour ambition de présenter à ses lecteurs une information complète, mais condensée, résumée pour une lecture rapide, analyse-t-il. Il n’a pas vocation à remplacer la presse payante pour ce qui est de l’approfondissement de l’actualité. » D’ailleurs, selon les études d’Audipresse, spécialiste de la mesure d’audience, les trois-quarts des lecteurs des quotidiens gratuits ne liraient pas la presse nationale, et quatre sur cinq ne liraient pas la presse régionale. En outre, avec 4,4 millions de lecteurs cumulés en France, soit 8,5 % des 15 ans et plus, les quotidiens gratuits que sont Metro, 20 Minutes et Direct Matin, se placent loin derrière les 8,3 millions de lecteurs de la presse quotidienne nationale et les 17,2 millions de la presse quotidienne régionale.
Quotidiens gratuits : une aubaine pour les jeunes ?
Ces trois grands réseaux ont toutefois conquis un public nouveau, jeune, actif et urbain, ce, en revendiquant une offre différente et l’ambition d’être aussi mobiles que leurs lecteurs. Il y a dix ans, les premiers numéros de Metro étaient ainsi distribués à la sortie des transports en commun des grandes agglomérations (Paris et Marseille notamment) afin de cibler les « actifs urbains ».
L’émergence de ce nouveau lectorat est un « phénomène né dans un contexte où il n’y avait pas d’offre répondant aux attentes du grand public, à savoir, à la fois, une pertinence des sujets et des angles de traitements, une absence d’élitisme parisien, une absence de prisme politicien avec une forme ergonomique et une accessibilité physique », explique le président de 20 Minutes, Pierre-Jean Bozo. Et de poursuivre : « pour notre lectorat de jeunes actifs urbains, les sujets sont l’emploi, la formation, la santé ou la famille. » Les gratuits font part ailleurs la part belle aux activités culturelles, sous toutes leurs formes.
Afin de satisfaire ces lecteurs si particuliers, ce sont chaque jour plus de 2,7 millions d’exemplaires de Direct Matin (1,1 million), 20 Minutes (915 000) et Metro (760 000) qui sont distribués sur l’ensemble du territoire. Une aubaine pour les plus jeunes ? C’est l’avis de Jean-Christophe Thiery. « Ils prennent l’habitude de lire un journal. Sans presse gratuite, ils n’auraient peut-être eu aucun lien avec la presse écrite », suppose-t-il.
Le numérique : enjeu d'avenir
Sociologue des médias, Rémy Rieffel estime pour sa part que « le succès des quotidiens gratuits est très lié à notre société de loisirs, de la culture de l’accès facile, du zapping et de la rapidité ». Mais dans cette course à l’information, ces titres n’ont pas encore abattu toutes leurs cartes. Et pour cause, la prochaine manche se jouera sur la toile. 20 Minutes a d’ailleurs été le premier à s’y lancer et totalise aujourd’hui près de 20 millions de vues quotidiennes sur son site Internet, se plaçant dans les quinze premiers du classement des sites français les plus consultés, après ceux du Parisien et de Libération. Le groupe a par ailleurs largement investi le numérique grâce à la télévision sur Internet, aux applications pour smartphones et tablettes.
Disposant chacun d’un site web, Metro et Direct Matin n’entendent pas se laisser distancer. « En mars, tous les titres gratuits de nos partenaires de la presse quotidienne régionale prendront le nom de Direct Matin, ce qui nous permettra de lancer une campagne nationale, ainsi que notre site direct-matin.fr », annonce Jean-Christophe Thiery. Quant à Metro, racheté en juillet dernier par Le groupe TF1, une nouvelle version du journal sera dévoilée le 5 mars. Au programme : changement de format, évolution de la maquette mais aussi du contenu. « Notre ambition est de devenir le quotidien préféré des jeunes actifs français. Nous allons aussi mettre les bouchées doubles autour des applications pour smartphones et tablettes », prévient Sophie Sachnine, directrice générale des publications Metro France. La guerre de l’information gratuite ne fait que commencer…
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