Les temps sont durs pour la presse française. Après près de dix années de crise, elle peine toujours à négocier le virage du numérique. Pour preuve, les recettes publicitaires des journaux et les ventes poursuivent leur chute vertigineuse à mesure que le lectorat se tourne vers de nouvelles sources d’informations. Et alors qu’au départ cette crise ne concernait que la presse nationale (PQN) payante, c’est désormais l’ensemble du secteur qui semble touché : des gratuits à la presse spécialisée sans oublier la PQR (presse quotidienne régionale). D’ailleurs, selon les estimations des spécialistes, la diffusion de cette dernière s’effondre chaque année de 2 à 2,5% environ, tandis que les ventes en kiosques de la presse nationale, tous titres confondus, ont diminué de 25% entre 2008 et 2011.
Ainsi, après France-Soir disparu des kiosques en décembre dernier en raison de l’érosion de ses ventes, fin janvier, c’est le quotidien économique La Tribune qui, après 27 années d’existence a été contraint de tirer sa révérence, sous la forme papier qu’on lui connaissait jusque-là. Dans ce contexte tendu, L’Humanité ne s’en sort pas vraiment mieux. En 2010, le titre, qui a connu un recul de 500 000 euros de ses recettes publicitaires, a perdu près de 2 millions d’euros. Quant aux Echos, il a perdu 5 millions d’euros en 2010.
Internet, le responsable de tous les maux ?
Mais pourquoi une telle crise ? Premier coupable tout désigné : Internet. Bien que les 16 millions de visiteurs uniques et 600 millions de pages vues des sites d’information ne pèsent pas 10 % du chiffre d'affaires de la presse traditionnelle, il est évident que la possibilité pour le lecteur d’accéder gratuitement à l’information bouleverse le paysage médiatique et grignote des parts de marché. Sans parler des annonceurs qui se tournent vers les médias numériques, ces derniers leur permettant de mesurer plus précisément leur investissement financier. Ainsi, depuis 2001, les recettes publicitaires de la presse écrite stagnent. Le marché de la publicité sur Internet, lui, ne cesse d’augmenter.
Enfin, la presse écrite ne répond plus aux attentes d’un lectorat rajeuni et en quête de facilité d’accès. Celui-ci se tourne donc à la fois vers Internet, la radio, les chaînes d’informations en continu voire les journaux gratuits. « Quand il y a dix ans un même individu pouvait lire jusqu'à quatre hebdomadaires par semaine, il n'en lit plus aujourd'hui qu'un seul », analyse Bruno Patino, ancien directeur de France Culture et du Monde Interactif. Et d’ajouter : « Quant aux plus jeunes, adeptes du butinage, ils sont de plus en plus infidèles et de moins en moins nombreux ».
« Il y aura toujours une presse écrite »
Alors assiste-t-on à l’effondrement d’un secteur ? La presse écrite traditionnelle est-elle vouée à perdre un à un ses journaux avant de disparaître elle-même ? La réponse est non, si l’on en croit Ignacio Ramonet, journaliste et auteur de « L'Explosion du journalisme » (éditions Galilée). « L’avenir de la presse écrite, c’est de continuer d’exister. Il y aura toujours une presse écrite car les médias ne disparaissent pas, ils s’empilent les uns aux autres mais le nombre de journaux va inévitablement diminuer », prévient-il. Pour le journaliste, « le fonctionnement même de la presse écrite va devoir tenir compte de l’information en ligne. La presse écrite cessant d’être dominante pour devenir un satellite de l’information en ligne. »
Ainsi, alors que les rédactions print et Web se sont, jusque très récemment, regardées en chiens de faïence, les deux doivent désormais coexister. Nombre de journaux l’ont bien compris et encouragent désormais les passerelles bi-médias, ponctuelles ou pérennes. Quant aux journalistes, c’est à eux de réinventer leur profession. Nouveaux formats, nouvelles écritures, data-journalisme : tout un programme !
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