Culture
Libération contre Arnault : un "bad buzz" qui va coûter très cher au quotidien
Publié le 14 septembre 2012 à 11:56
Par Marine Deffrennes
Libération a choqué les annonceurs du luxe avec sa Une consacrée à Bernard Arnault, titrée « Casse-toi, riche con ! ». Les sociétés du groupe LVMH ont été suivies par d'autres qui, par solidarité, ont annulé leurs campagnes publicitaires dans le quotidien. Le manque à gagner atteindrait 700 000 euros.
Libération contre Arnault : un "bad buzz" qui va coûter très cher au quotidien Libération contre Arnault : un "bad buzz" qui va coûter très cher au quotidien© Libération
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Mardi 11 septembre, Libération se moquait gentiment et fièrement de la tempête déclenchée par la Une de la veille, en répondant franco à sa victime : « Bernard, si tu reviens, on annule tout ! ». Un nouvel emprunt à Nicolas Sarkozy pour essayer d’adoucir le ton, le tout accompagné d’un papier détaillé pour raconter et justifier en évitant de s’excuser comment cette insulte avait fait son chemin, d’une boutade à la Une du quotidien. Mais malgré ces efforts, le « Casse-toi, riche con ! » adressé à Bernard Arnault n’est pas passé. Et Libé risque bien de s’en mordre les doigts pour plusieurs raisons.

700 000 euros de recettes pub partent en fumée

D’après une information du Monde.fr, qui cite des « sources internes » de Libération, la réaction des annonceurs ne s’est pas fait attendre, et le manque à gagner frôlerait les 700 000 €. Une facture salée pour un (bad) buzz. « Cette Une avait tout de l’ADN de Libé dans le côté provoc’, analyse le blogueur Emery Doligé, spécialiste des médias. « Ils veulent être un journal de position et n’hésitent pas à taper sur les gens de droite, pour le buzz c’était donc réussi », explique-t-il. Pour preuve, l’édition du 10 septembre a fait bondir les ventes du jour de 27%. Mais le revers du buzz, c’est que plus on en parle, plus la victime se sent lésée : « L’annonceur LVMH va comptabiliser cela en polarité négative ». Les sociétés du groupe LVMH ont ainsi annoncé l’annulation de toutes leurs campagnes prévues dans le quotidien en 2012, elles ont été suivies par d’autres annonceurs du secteur du luxe, agissant par solidarité.

L’image du quotidien écornée

Malgré l’audace que certains n’ont pas manqué de reconnaître à Libération pour ce « coup », les critiques sont unanimes pour condamner l’injure publique placée en Une. La plainte de M. Arnault et les pertes publicitaires ne sont pas les seules égratignures que récolte le journal. Pour Emery Doligé, le vrai malaise réside en ce que le comité éditorial a choisi d’insulter, « avec une insulte inventée de toutes pièces », alors que la plupart des titres de Libération jouent sur cette mémoire des citations ou des expressions connues, mais comportent toujours une information. « Là c’était gratuit », regrette le blogueur, qui pense clairement que pour cette fois, « Libé s’est planté. »

Les mauvais riches et les bons pauvres

Réaction encore plus virulente pour le philosophe Daniel Salvatore Schiffer qui dénonce dans une tribune publiée sur le Point.fr le « dualisme sommaire » des choix éditoriaux de Libération, incitant même à la « haine sociale ». Selon lui le quotidien dévie dangereusement d’une tradition intellectuelle honorable vers un « manichéisme primaire où la société française se voit ainsi outrageusement divisée, conformément au rétrograde et stupide dogme stalinien, en deux clans, telles des factions quasiment irréconciliables, les « mauvais riches » (à droite) et les « bons pauvres » (à gauche). »

Finalement, Emery Doligé constate que ce raffut aura fait au moins un heureux. Alors que le soir du 9 septembre, les commentaires sur la prestation de François Hollande sur TF1 étaient très durs, le lundi matin les réseaux sociaux se sont détournés du sujet pour parler de Libé. Bien joué !

Crédit photo : Libération

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