Journaliste pour le magazine « Regards » et Backchich entre autres, auteur du blog « Sangatte à Paris », de l’ouvrage « Nos ancêtres les Chibanis » paru aux éditions Autrement en 2006, animatrice de l’Ateliers Dawa à Bobigny (Seine-Saint-Denis) : aucun doute, Sabrina Kassa multiplie les casquettes. A 39 ans, elle est, en outre, une spécialiste des questions de société, d'immigration et de rapport nord/sud. Par ailleurs, à travers l’Atelier Dawa, elle milite pour l’accès des jeunes de quartiers populaires au métier de journaliste. Et alors qu’on la qualifierait volontiers de journaliste engagée, elle répond « vouloir simplement produire une information utile, pas forcément militante ». Entretien…
Sabrina Kassa : Ce n’était pas mon projet initial. J’ai d’abord fait des études de relations économiques internationales avant d’être chargée d’études dans une organisation non gouvernementale (ONG). J’ai alors été amenée à aller sur le terrain. J’y ai prit goût. J’ai donc fait des stages dans différentes rédactions, puis des piges… Petit à petit, j'ai appris ce métier.
S. K. : J’ai commencé à travailler à la fin des années 90, en particulier sur les questions altermondialistes; la dette du Sud, le commerce équitable... Puis, les émeutes de 2005 ont modifié mes choix. Si, avant cette date, je traitais de la question des banlieues de temps à autre, après ces événements, elle a pris une place particulière dans mon travail. A tel point qu’en 2005, le rédacteur en chef du magazine « Regards », m’a demandé d’animer l’Atelier Dawa à Bobigny (Seine-Saint-Denis). Il s’agit de sessions de formation au métier de journaliste, longues d'un an et demi et destinées aux jeunes balbyniens. Nous sommes partis du constat que la profession était trop homogène : les classes populaires et la diversité y étant trop absentes. En créant les Ateliers de Dawa, l’objectif était donc de créer des passerelles avec le monde du journalisme.
S. K. : D’une manière générale, il n’est pas très valorisant. Il est même souvent discriminant. La banlieue renferme de tels enjeux qu’il n’est pas rare que les sujets la concernant aient plus un intérêt politique qu’informatif.
Par ailleurs, parce qu’ils n’ont pas le temps d’aller sur le terrain, de creuser l’information, les journalistes s’enferment bien souvent dans une vision idéologique de celle-ci.
S. K. : Les choses commencent à bouger. Sur le terrain politique, désormais, les maires se font entendre. Ils n’acceptent plus que leur ville soit sans cesse stigmatisée. Sur le terrain médiatique également, on voit une évolution. La préparation de « La Cité du mâle ou la banlieue fabriquée par les médias » de Ladji Real, réponse au documentaire « La Cité du mâle » de Cathy Sanchez, en est un exemple. C’est un début de riposte au traitement constamment négatif qui est fait des banlieues. Ladji Real est la preuve vivante que des personnes issues de quartiers populaires peuvent intervenir dans le débat et y apporter un regard neuf. D’ailleurs, il y a eu toute une réflexion à ce sujet lors des dernières Assises du Journalisme.
J’ai aussi le sentiment que l’on commence enfin à passer des paroles aux actes, notamment à travers les changements de pratiques et de sélection de candidats dans les écoles de journalisme.
S. K. : Ce blog parle de la banlieue et propose des contenus rédigés par les jeunes qui y vivent. C'est intéressant, car ils sont bien placés pour décrire une réalité sociale qu’ils côtoient quotidiennement, avec ses qualités, ses défauts mais aussi toute sa banalité.
Propos recueillis par Marie-Laure Makouke
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