Culture
Séries télé : "La télévision américaine a dépassé le cinéma"
Publié le 8 octobre 2012 à 10:08
Par Marie Pâris
Ancien scénariste pour la télé, Thomas Raphaël a situé son livre « La vie commence à 20h10 » dans les coulisses d'une production de série. Un premier roman propulsé par une vidéo de soutien virale sur le net, à l'initiative de bloggeurs fans de cet univers des feuilletons qui en fascine plus d'un – et surtout plus d'une. Thomas Raphaël a répondu à nos questions sur le monde du petit écran et le succès retentissant de ses programmes.
Séries télé : "La télévision américaine a dépassé le cinéma" Séries télé : "La télévision américaine a dépassé le cinéma"
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Terrafemina : Qu’avez-vous retiré de votre expérience de scénariste de séries ?

Thomas Raphaël : « La Vie Commence à 20h10 » est notamment inspiré de mon travail sur plusieurs feuilletons, comme « Cœur Océan », « Cinq Sœurs », « Pas de secrets entre nous », « Seconde Chance »… Dans ce genre de productions, il faut livrer un épisode par jour, on vit dans l’urgence, la pression de retombe jamais. On doit gérer en permanence un empilement de problèmes qui semblent insurmontables. « 24 Heures Chrono » en fait c’est plus souvent en coulisses qu’à l’écran ! Sur le moment, c’est terrifiant. Avec le recul, j’ai réalisé que c’était très drôle, et que ça méritait largement un roman. D’autant que travailler sur ce genre de séries est une aventure humaine. Rythme trépidant, comédie, conflit, rencontres humaines… En fait, j’ai juste décrit la réalité : il y a naturellement tous les ingrédients d’un roman dans les coulisses des séries télé.

Tf : Comment expliquer le récent « boom des séries » ?

T. R. : Avec l’arrivée massive de nouvelles chaînes sur le câble aux Etats-Unis à la fin des années 90, les grands networks historiques ont été forcés de prendre des risques et de proposer des séries plus audacieuses, plus exigeantes, plus créatives. Du jour au lendemain, ou presque, leurs vieilles formules avaient été ringardisées. Il a bien fallu faire face à la nouvelle concurrence. Alors on peut tous dire merci à HBO… Ca a été le début d’un cercle vertueux : plus la télé a montré qu’elle était capable de fabriquer de belles choses, plus elle a attiré les meilleurs talents, qui sont notamment venus du cinéma. A tel point qu’on est beaucoup à penser qu’aujourd’hui la télévision américaine a dépassé le cinéma.

Tf : Les séries touchaient avant plutôt les ados et les jeunes, mais maintenant les parents, les cadres, les grands-parents s’y mettent… Le phénomène s’est démocratisé ?

T. R. : Oui, c’est vrai ! C’est une bonne nouvelle. On a arrêté de penser qu’une série, par définition, c’est de la mauvaise télé. Maintenant il faut être à la hauteur de cette nouvelle réputation.

Tf : Pourquoi les spectateurs sont-ils en majorité… des spectatrices ?

T. R. : Tout simplement parce que la plupart des séries sont faites pour les filles. Les femmes de moins de cinquante ans sont la cible préférée des annonceurs, donc les chaînes de télé ont tendance à favoriser les séries qui s’adressent à elles. Mais les hommes peuvent être tout autant fans de séries, il suffit qu’on leur propose des univers et des personnages qui leur correspondent. « Entourage », « Braquo », « Californication », « Big Bang Theory », par exemple, parlent beaucoup aux hommes.

Tf : Des séries qui plaisent aussi aux filles, alors qu’à l’inverse « Sex and the City » ou « Girls » ont assez peu de spectateurs masculins…

T. R. : « Sex and the City » et « Girls » pArtent de la même intention de casser l’image souvent politiquement correcte des personnages de femmes sur les grandes chaînes. Avec un peu de provocation et énormément de talent, ces deux séries donnent une image plus vraie des femmes, qui peuvent coucher, être égoïstes, dire des gros mots… sans être des monstres pour autant. Ces séries peuvent aborder des sujets aussi divers que le plaisir ou l’avortement, qui restent encore tabous sur les networks.

Tf : Quels sont les ingrédients d’une série qui rend accro selon vous ?

T. R. : Il n’y a pas de règles absolues, heureusement. Mais je dirais que la base est un personnage ordinaire à qui il arrive des choses extraordinaires. Un personnage dans lequel il est facile de se projeter, qui nous ressemble psychologiquement, et qui est confronté à des aventures ou des dilemmes qui ne nous arrivent presque jamais dans la vraie vie. Les séries les plus addictives sont celles qui nous permettent de vivre par procuration des vies plus excitantes.

Tf : Et comment faire une bonne série pour les filles ?

T. R. : Très simple. Il faut deux choses : une héroïne bonne copine qui dit tout haut ce que les filles pensent tout bas, et un homme idéal qui fait totalement fantasmer. Bien sûr, malgré leur alchimie sexuelle qui crève l’écran, la bonne copine et l’homme idéal joueront au chat et à la souris pendant plusieurs saisons, avant de finalement succomber aux forces irrésistibles de l’amour… Les hommes ne l’avoueront jamais, mais je suis sûr qu’eux aussi, en secret, ils adorent ça.

Tf : Parmi les nouveaux programmes de la rentrée, quelles séries conseillez-vous ?

T. R. : Du côté séries françaises, j’attends beaucoup « Falco » et « No Limit », deux séries policières sur TF1, et « Ainsi soient-ils » et « Les Revenants », sur Arte. Il me tarde aussi de voir « Tiger Lily » et la suite des « Hommes de l’ombre », sur France 2. Et je suis fan d’ « Engrenages » et des « Lascars » sur Canal +. Côté séries américaines, le geek en moi attend par-dessus tout la suite de « Arrested Development » ; la série avait été arrêtée sur Fox et elle est en train d’être ressuscitée par Netflix. Livraison début 2013 normalement…

Tf : La série française a-t-elle encore un avenir face à la série américaine ?

T. R. : J’espère bien ! On est juste un plus petit pays, alors c’est plus difficile de trouver les financements et de faire des séries pour des publics de niche. En France, pour financer une série, on est obligé de plaire à tout le monde. Aux Etats-Unis, puisque les Américains sont si nombreux, on peut trouver un équilibre financier en ne s’adressant qu’à une petite partie de la population. Bien sûr, les talents existent en France. Il faut juste trouver les bons concepts de séries pour s’exprimer. Et il n’y a pas que la télé : quand on porte en soi une histoire qui nous tient vraiment à cœur, on a encore plus de liberté si on la raconte... dans un roman.

Voir la vidéo sur « La vie commence à 20h10 » :




Thomas Raphaël, « La vie commence à 20h10 », éditions J’ai lu, 7,90€.

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Culture Médias television series
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