La semaine dernière, l’ONU Femmes annonçait le lancement d'une enquête internationale sur la représentation des femmes dans les programmes pour enfants, en partenariat avec le Geena Davis Institute on Gender in Media. Lundi, c’était au tour de France Télévisions de s’emparer du sujet, après que le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a invité les chaînes à faire, dès cette année, des progrès dans la représentation des femmes. À l’occasion du colloque « En avant toutes », le président du groupe audiovisuel public a donc annoncé toutes une série de mesures afin de renforcer la présence des femmes dans les médias et de veiller aux messages véhiculés.
« Partout, dans la société française pourtant si éclairée et progressiste, il faut débanaliser la recherche de plus d’égalité entre hommes et femmes et lutter contre les stéréotypes », a affirmé Rémy Pflimlin lors de son discours d’ouverture. « J’ai une responsabilité particulière : faire en sorte que France Télévisions soit encore plus exemplaire dans le concert des médias, réaffirmer, et mettre en œuvre un volontarisme du service public pour aller vers plus d’égalité entre hommes et femmes ». Dans cette perspective, trois priorités ont été fixées : l’augmentation du nombre de décideuses, le recours à davantage d’expertes dans les programmes du groupe et, pour la première fois, une attention accrue aux clichés véhiculés dans les dessins animés. « Dans les programmes jeunesse, nous allons être attentifs dans les projets au nombre de personnages masculins et féminins, ainsi qu'au poids des personnages principaux et secondaires », a promis le président de France Télévisions. Le groupe, premier coproducteur en Europe de programmes d’animation mettra en place des « indicateurs de binarité ». Ces derniers permettront de déterminer si les personnages féminins proposés sont « actifs » ou « passifs », mais aussi d’étudier la manière dont ils sont traités « du point de vue de l’apparence et de l’intellect, de l’intériorité et de l’extériorité ».
Et alors qu’à l’heure actuelle, seul un quart des personnages principaux de ces programmes sont féminins, Rémy Pflimlin a nuancé son propos, expliquant qu’il ne s’agissait pas pour autant de « gommer l’écriture des auteurs, mais de veiller à ne pas reproduire des stéréotypes lorsqu’ils ne sont pas spécifiquement justifiés dans les intentions d’écriture ». Un point de vue partagé par Pierre Siracusa. Après avoir fait part de sa déception concernant la sous-représentation des héroïnes dans les dessins animés du groupe, le directeur délégué à l’animation a tenu à prévenir tout amalgame. « Lutter contre les stéréotypes ne signifie pas interdire aux petites filles de jouer à la princesse et aux garçons de jouer aux petites voitures. Il ne s’agit pas non plus de mettre en scène des fillettes faisant sans cesse la preuve qu’elles peuvent être aussi masculines que les garçons », a-t-il fait savoir. Et de rappeler que « France Télévisions réfléchit depuis longtemps à la question des stéréotypes. Nous y travaillons depuis plusieurs années. Un de nos enjeux, pour marquer notre singularité est d’ailleurs de rassembler tous les publics ». Preuve de cette implication, le dessin animé Lulu Vroumette diffusé sur France 5 dont l’héroïne - une fillette ayant l’apparence d’une grenouille -, ne manque jamais de faire remarquer à sa bande de copains ses sorties et comportements sexistes, tout en s’efforçant de faire les mêmes activités qu’eux.
Mais s’il faut se féliciter de l’existence de ce type de programme, on ne peut que déplorer leur rareté. Elle s’explique, selon Catherine Lottier, directrice adjointe de la veille et de la prospective programme chez France Télévisions, par le risque marketing. « Les filles sont plus enclines que les garçons à accepter un programme qui ne leur est pas directement destiné. Cette réalité ne favorise pas la création de programmes mettant en avant des héroïnes, d’autant que les distributeurs anticipent généralement le conservatisme des téléspectateurs ». Un phénomène dû, selon Brigitte Grésy, à la valence différentielle des sexes. « Les petits garçons sont beaucoup plus vite découragés par des activités dites de filles, que les fillettes le sont par des " trucs" de garçons », a-t-elle noté, profitant de l’occasion pour saluer l’initiative de France Télévisions. « Une méthode forte pour lutter contre les stéréotypes est le fait de compter », a-t-elle également recommandé. « C’est la seule façon de rendre visible l’invisible. Et de conclure : « c’est un signe de modernité de surveiller ces décalages et de les combattre ».
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