Il aura fallu une semaine à l'équipe éditoriale de Causette pour réagir. Après la parution du numéro de novembre du magazine consacré à la prostitution et la controverse suscitée par son dossier sur les « 55 raisons de résister à la tentation (pour vous messieurs) », c'est une rédaction désunie qui est sortie de son silence, mercredi. À travers un long message publié sur sa page Facebook, le magazine féminin se justifie ou se dédouane mais surtout, il révèle ses dissensions internes.
D'un côté, la direction de Causette défend et revendique l'article incriminé. « Nous ne nous positionnons pas POUR ou CONTRE la prostitution, mais contre la prostitution forcée qui touche, selon les rapports, de 80% à 90% des prostitué-E-s. Qui n'exercent donc pas un "métier pas comme les autres", mais sont simplement réduites en esclavage. Nous maintenons ce mot », écrivent d'une seule main la rédactrice en chef Liliane Roudière et Grégory Lassus-Debat, le directeur de la publication du titre. Et si ces derniers concèdent le manque de délicatesse de leur méthode de dénonciation, ils précisent l'avoir volontairement voulue « grinçante, choquante parfois, violente toujours. À l'image de la réalité de ces esclaves du sexe ». Et de conclure : « Pour notre part, nous nous assumons nos écrits et ne les regrettons en rien ».
Problème, à la suite de ce message, une partie de la rédaction exprime elle son désaccord, condamnant un article dont la « forme plus que maladroite contrevient à l'éthique et aux valeurs de Causette en stigmatisant les prostitué(e)s plus qu'en les défendant ». Les journalistes font d'ailleurs savoir qu'ils avaient « fortement signifié (leur point de vue, ndlr.) dès l'élaboration de ce papier », sans être entendus. Pourtant, pour eux le doute n'était pas permis, « l'article "55 raisons de résister à la tentation (pour vous, messieurs)" est en complète rupture avec la ligne éditoriale du magazine ». Contacté par arretsurimage.net, Grégory Lassus-Debat nie toute mésentente au sein de la rédaction, parlant d'une « petite crise ». Quant au positionnement du titre, il se contente de trancher : « J'ai créé ce magazine, donc la ligne éditoriale je la connais ».
Pour rappel, dans ce fameux dossier, Causette recensait sur un ton sarcastique et cynique les raisons pour lesquelles les hommes devraient renoncer à solliciter les services d'une prostituée. « Si la prostitution est un boulot comme un autre, vous devriez le conseiller à votre fille, il y a des opportunités à l'international », « Parce qu'une pipe à 10 euros c'est comme un parfum à 20 euros : ça pue. » ou encore « quitte à se taper une fille qui n'en a pas envie, autant la violer, c'est moins cher », tels sont quelques-uns des arguments qui ont valu au magazine d'être accusé d'« incitation au viol », de « putophobie », de « transphobie », ou encore de « racisme » par le Syndicat des travailleurs du sexe (Strass) et par les internautes, plus généralement.
"Bridget" : un grossier copier-coller de "Causette" ?
"Touche pas à ma pute" : un manifeste "maladroit" et "archaïque"
"L'Express" et l'islam : provocation ou débat de société ?