« Tout a commencé par une discussion dans les embouteillages. Laura Flessel me confiait qu'elle tentait depuis un moment de créer une journée dédiée au sport féminin dans les fédérations, en vain. Je lui ai alors promis que je parviendrais à l'instaurer dans les médias », raconte Christine Kelly. Lundi 27 janvier, au 17e étage du siège du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), l'ancienne journaliste désormais membre de l'autorité avait réuni la presse, les représentants des différentes fédérations et de nombreuses personnalités sportives pour présenter l'événement sur lequel elle a planché plusieurs mois durant : les « 24 heures du sport féminin », marrainées par Laura Flessel. Une première.
Le 1er février, plus d'une centaine de médias audiovisuels français et internationaux seront ainsi mobilisés pour donner au sport féminin une visibilité exceptionnelle. Car ce n'est un secret pour personne, les athlètes féminines souffrent d'un cruel manque de considération. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. « Le sport féminin ne représente que 7% du volume global des programmes sportifs diffusés dans les médias », a rappelé Olivier Schrameck, président du CSA, citant une étude réalisée par l'autorité. Pire « 95% de cette offre n'est visible que sur les chaînes payantes », a-t-il poursuivi.
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Pourtant, les femmes représentent 51% des licenciés de plus de 15 ans des fédérations sportives françaises, toutes disciplines confondues. Quant aux athlètes de haut niveau, elles n'ont pas à rougir de leurs résultats. « Les performances féminines sont supérieures à celles des garçons dans plusieurs disciplines comme le basket ou le football. Alors pourquoi, lorsque la performance est là chez les filles, les médias la passent sous silence ? », interroge Christine Kelly. Une analyse largement partagée par la ministre des Sports Valérie Fourneyron, qui y voit une véritable injustice. « En termes de carrière et de palmarès, la basketteuse Céline Dumerc n'a rien à envier à Tony Parker. Pourtant, elle ne bénéficie pas de la même renommée dans la presse. Nous voulons donner au sport féminin la place qu'il mérite », martèle-t-elle.
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Pour y parvenir, les médias ont donc été mis à contribution. Concrètement, à travers des bandes annonces, des reportages, des magazines de plateau, des documentaires, des interviews ou encore des retransmissions de compétitions sportives féminines, les chaînes et stations de radio participantes (parmi lesquelles TF1, France Télévisions, Canal+, M6, Eurosport, L'Équipe 21, Bein Sport, TV5 Monde, RTBF, Africa 24, France Bleu, France Info, Europe 1, RTL, etc.) offriront une exposition inédite au sport féminin. De multiples manifestions seront également organisées aux quatre coins de la France. À Paris par exemple, un flash mob signé de la chorégraphe Odile Bastien aura lieu à 10 heures, aux pieds de la Tour Eiffel. Près de 150 participants y sont attendus, dont la ministre des Droits des Femmes, Najat Vallaud-Belkacem. La benjamine du gouvernement, se réjouissant de la forte mobilisation qui entoure l'initiative avant même son coup d'envoi, a elle-même annoncé sa venue. « Ces 24 heures du sport féminin sont la cerise sur le gâteau de la loi sur l'égalité entre femmes et hommes que je viens de faire adopter », s'est-elle, par ailleurs, félicitée.
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Bien sûr, d'aucuns diront que 24 heures dédiées au sport féminin, c'est encore trop peu. « C'est un premier pas, une démonstration de force qui prouve que les médias français savent jouer leur rôle social, qu'ils s'engagent et assument leur part de responsabilité dans la sous-médiatisation du sport féminin », explique Christine Kelly. Et de nuancer : « Ce n'est pas facile pour une chaîne de retransmettre un événement quand les conditions ne sont pas optimales, quand les gradins sont vides ou que le terrain est impraticable. La faute ne leur incombe pas entièrement. Une prise de conscience des fédérations sportives est également nécessaire pour valoriser le sport féminin ».
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On l'aura compris, le chemin est encore long avant que les athlètes féminines aient enfin la place qu'elles méritent dans les médias, mais un palier a été franchi. « Ces 24 heures du sport féminin ne sont pas un one shot. Elles sont appelées à se perpétuer », insiste d'ailleurs l'initiatrice de l'événement, confiant qu'elle aimerait qu'il y ait un avant et un après ce 1er février 2014. « Je souhaite que cette initiative provoque un déclic », conclut-elle. Reste à savoir si cette première édition trouvera son public.