Suivre des études scientifiques puis exercer un métier littéraire vous semble être un paradoxe ? C’est pourtant le brillant parcours de Christine Kelly. « C’est toute la particularité de l’éducation à la française », explique l’ancienne journaliste. J’ai choisi mon bac sans réellement savoir quel serait mon futur métier. » Une licence maths-physique en poche, cette native de la Guadeloupe multiplie très vite les petits boulots (vendeuse de voitures, hôtesse de l’air puis dans le TGV) jusqu’au jour où elle répond, sur les conseils de ses parents, à l’annonce d’une télévision locale à la recherche d’une animatrice parlant couramment l’anglais. « J’ai envoyé mon CV et tout s’est enchaîné. J’ai été recontactée dans l’après-midi, ai passé un entretien le lendemain et un casting le surlendemain. »
Une semaine plus tard, la journaliste en herbe présente, sur Archipel 4, un magazine sur l’actualité de la Caraïbe. « Sur Archipel 4, comme dans toutes les télévisions locales, tout restait à faire. Je m’occupais donc de la présentation des émissions mais aussi de la décoration du plateau, de l’achat des éléments à leur installation, etc. Tout était donc très artisanal. » Et si cette première expérience télévisuelle n’est alors qu’un passe-temps pour Christine Kelly, les dirigeants de la petite chaîne basée à Pointe-à-Pitre décèlent chez elle un véritable talent. « À la fin de mon contrat, qui n’avait duré que quelques mois, les actionnaires ont refusé de me laisser partir. Selon eux, j’étais devenue le visage phare d’Archipel 4. C’est ainsi que ce qui n’était pour moi qu’un amusement est devenu un métier. »
L’apprentie présentatrice se fait rapidement remarquer et multiplie les collaborations, d’abord avec la radio K'dan puis avec la chaîne RFO dont elle devient la tête d’affiche. Convaincue d’avoir trouvé sa voie, elle retourne sur les bancs de l’école, en 1996, à l’Institut de Journalisme de Bordeaux. « J’avais des cours toute la semaine et le week-end, je faisais des reportages en tant que pigiste pour RFO Paris ou France 3 ». En 1997, elle participe à la création de Demain TV, l’ancienne chaîne emploi du groupe Canal +. « J’ai également travaillé sur la Chaîne Météo et sur Voyage, avant de rejoindre, en 2000, LCI pour présenter les journaux du matin. »
La carrière de Christine Kelly est sur de bons rails. Elle est d’ailleurs sur le point de décrocher la présentation du 20 heures du week-end sur M6, lorsqu’elle est choisie par Gérard Larcher, président du Sénat, pour être l’un des nouveaux sages du Conseil supérieur de l’audiovisuel. De nature curieuse et aventurière, elle accepte cette proposition et prend ses fonctions en janvier 2009, pour un mandat non-renouvelable de six ans.
Un virage à 180 degrés que la quadragénaire ne regrette en rien. « La transition s’est faite d’autant plus naturellement que mes nouvelles missions me passionnent », explique-t-elle. Et de préciser : « en tant que membre du CSA, je suis en charge de quatre dossiers qui concernent l’impact de la réforme de l’audiovisuel sur France Télévisions, la protection du jeune public, le handicap et la musique. Parallèlement, je suis présidente des groupes de travail sur la publicité et la protection des mineurs, la santé et le développement durable et d’un troisième sur le pluralisme et la campagne électorale. » Dans ce cadre, l’ancienne journaliste a d’ailleurs reçu, il y a quelques jours, les représentants de l’ensemble des partis politiques afin de les sensibiliser aux règles de la campagne présidentielle, à la télé comme à la radio, et notamment au décomptage du temps de parole.
À ces multiples missions s’ajoutent la gestion de sa fondation K d’urgences qui vient en aide aux familles monoparentales, et l’écriture d’un troisième ouvrage, « Familles monoparentales, le scandale du silence », dont la sortie est prévue au printemps prochain. « J’ai toujours exercé plusieurs métiers à la fois et ce depuis mon plus jeune âge. Pour moi, le travail est une nécessité, c’est là que je m’épanouis. Bien sûr, j’ai des passions (elle a notamment fait 17 ans de piano, ndlr.) mais aujourd’hui, je n’ai pas besoin d’activités extraprofessionnelles pour me sentir bien. » Pour preuve, lorsqu’elle s’offre quelques jours de vacances, pendant que certains lézardent au soleil, Christine Kelly se penche sur ses nombreux autres projets. Car le temps, cette boulimique de travail ne le « trouve pas », elle « le vole, l’optimise. »
K d’urgences n’est d’ailleurs pas son seul cheval de bataille. Du handicap à la diversité dans les médias en passant par le droit des femmes, son engagement a déjà été récompensé par plusieurs prix, sur lesquels l’ancienne journaliste reste toutefois très discrète : le Black World Victories Awards en 2002 et, l’année suivante, le prix de l’European Federation of Black Women Business Owner, entre autres. En 2010, elle a également été décorée des insignes de Chevalier de l’Ordre du mérite. « Du fait, peut-être, de mon éducation catholique, je suis très sensible à la misère des autres, explique-t-elle pour justifier ses différents combats. J’ai été élevée selon la règle qu’il fallait aider son prochain. De plus, pour mes parents, tous deux enseignants, la transmission du savoir et des valeurs a toujours été très importante. Il m’est donc impossible d’avancer dans ma vie personnelle sans faire rejaillir les bénéfices de ma position sur ceux qui en ont besoin. »
On l’aura compris, l’agenda de Christine Kelly est digne de celui d’un ministre. Un emploi du temps qui ne devrait pas s’alléger avant janvier 2015 et la fin de son mandat au CSA. « À cette date, j’espère avoir réussi à boucler tout mes dossiers pour quitter mes fonctions la tête haute », confie-t-elle. Quant à l’après CSA ? « À l’heure actuelle, je n’en ai absolument aucune idée mais je ne m’interdis aucune porte de sortie. J’étudierai toutes les opportunités qui se présenteront, qu’elles concernent le journalisme, la télévision (une fois achevée la période de non-concurrence, ndlr.) voire la communication. » Affaire à suivre donc...
Crédit photos : Benjamin Decoin/CSA
Sophie Jovillard : « J'ai toujours rêvé de travailler sur France 5 »
Aïda Touihri : « Le journalisme n'était pas une vocation »
Arianna Huffington : « L'échec n'est pas l'opposé du succès »
Ariane Massenet : « Dans C'est de famille, les célébrités ne peuvent pas mentir »