Jérôme Bouvier : La dimension technologique est fondamentale, nous vivons une révolution difficile à maîtriser, qui va en permanence remettre en cause notre manière de faire ce métier. Nous devons être à la fois complètement ouverts aux outils technologiques, mais ne pas penser qu’ils vont résoudre les pratiques journalistiques. Aujourd’hui, 80 % des informations parviennent au citoyen sans que le journaliste soit intervenu. Le fait de s’informer via les réseaux sociaux en est l’illustration : les gens pensent qu’ils n’ont plus besoin d’aller vers l’information, mais que si celle-ci est suffisamment importante, elle viendra à eux.
Dans notre profession, Twitter a pris une place démesurée. Les agences de presse en subissent les conséquences. CNN a récemment rompu ses accords avec AP, la première agence de presse du monde, car ils estiment ne plus en avoir besoin. Même le quotidien gratuit 20 minutes a résilié son abonnement à l’AFP. Plus les technologies seront évolutives, avancées, sophistiquées, plus il faudra revenir aux fondamentaux quant aux pratiques journalistiques, autrement dit aller chercher l’information sur le terrain, la vérifier, la croiser…
J.B. : La confiance dans les médias ne cesse de se dégrader depuis 20 ans. A un moment donné, il faut réagir pour reconquérir le public. Nous devons définir aujourd’hui ce qu’est une information de qualité : à quoi elle sert, comment elle est fabriquée, si elle a été vérifiée. C’est tout le travail que nous menons depuis 5 ans autour de la charte. Nous avons proposé une charte qualité de l’information, en partant d’un constat assez classique : dans les grandes crises sanitaires, la confiance du public a pu être retrouvée grâce à la traçabilité de la production.
Nous pouvons appliquer cette méthode à l’information en disant au public : cette information, elle peut ou non vous convenir, mais nous vous certifions qu’elle a été vérifiée, que nous vous la proposons selon un certain nombre de règles et dans des conditions de transparence et de traçabilité. En allant sur un média qui adhère à cette charte, vous avez la garantie que l’information publiée a respecté ces règles. Si ce n’est pas le cas, alors vous pouvez vous adresser à une instance, comme il en existe en matière de publicité. Notre objectif à l’issue des Assises est d’avoir déterminé, avec tous les acteurs concernés (journalistes, éditeurs, syndicats, associations), un cahier des charges précis, pour ensuite entamer les négociations.
J.B : Nous allons rendre hommage à tous les journalistes et bloggeurs iraniens. Ils se trouvent au cœur de nombreuses questions : celle du combat pour la liberté mais aussi celle du Web comme outil essentiel d’expression. De même, nous aborderons les problématiques et spécificités du journalisme en Allemagne, pour voir ce qu’ils ont à nous apprendre. Rappelons que nous sommes dans le cadre du 60ème anniversaire de la convention européenne des droits de l’homme. L’Islande vient de faire voter une loi très progressiste en matière de défense de la liberté d’expression du journaliste. A partir de cet exemple, nous voulons mettre en débat cette loi et nous demander : aujourd’hui en Europe, quels sont les nouveaux combats à mener pour définir les libertés de demain.
J.B : Oui il y a une prise de conscience de la part de la profession. Elle va davantage sur le terrain, mène des enquêtes. Cependant, rentrer avec une caméra dans les quartiers reste toujours extrêmement compliqué et dangereux. La stigmatisation des journalistes est très importante. De plus, l’actualité a mis en exergue des dérapages comme le documentaire La cité du mal ou encore l’affaire du Point. Le simple fait d’imaginer qu’aujourd’hui en banlieue, il faille des fixeurs pour pouvoir exercer notre métier de journaliste, prouve qu’il y a un vrai problème. Nous devons prendre le temps d’avoir des informateurs, de faire confiance à des gens sur la durée et cela suppose qu’il n’y ait pas de relation commerciale.
Webdocumentaire : une nouvelle lecture de l’information
La liberté de la presse n’est pas un combat gagné