« Les métiers manuels sont sciemment dévalorisés au profit des métiers "immatériels" où l’on garde "les mains propres" ». Hugo Desnoyer, boucher parisien réputé, fournisseur de nombreux restaurants étoilés, jette un pavé dans la mare. Ou plutôt, selon ses propres mots, « un os dans la mare de l’emploi ». Dans une tribune parue le jeudi 6 septembre dans Libération, le boucher s’exaspère des difficultés à recruter dans son secteur, mettant en cause la dévalorisation des métiers manuels en général, et de ceux de bouche en particulier.
« Je suis fatigué d'entendre la complainte d'un pays qui cherche à sauver des industries moribondes, la litanie des réformes de l'Éducation nationale qui ne tiennent pas compte de la réalité de l'emploi. [...] Au regard des millions de demandeurs d'emploi, il y a 4 000 ouvriers bouchers manquants. [...] Alors que l'artisanat est le premier employeur de France, nous subissons le discrédit qui s'attache aux fonctions de nourrisseurs publics qui sont les nôtres », souligne-t-il.
Le boucher rappelle que ses employés peuvent dès 18 ans toucher un salaire net de 2 300 euros, en étant nourri et logé. « Quand tant de jeunes "bac+5" peinent à trouver un emploi, quand les 20-25 ans sont 20% à se retrouver au chômage », M. Desnoyer peine à comprendre que les secteurs artisanaux ne soient pas mieux valorisés afin d’attirer les jeunes. Il dénonce vivement le système éducatif français, élitiste, qui pousse tous les jeunes dans la filière générale et marginalise les « métiers supposés frustes, bons pour les recalés au système éducatif ». Alors que le métier de boucher, comme beaucoup d’autres métiers artisanaux, est un métier d’ « avenir » et un vrai « bassin d’emploi ».
D’ailleurs, depuis quelques années, les choses changent lentement : les écoles de boucherie ont vu leurs inscriptions augmenter de 30% en cinq ans et de nombreux adultes sans perspectives d’emploi suivent des formations professionnelles d’un an. Certes, M. Desnoyer le concède, les conditions de travail dans une boucherie sont difficiles. Mais le métier s’est modernisé et « les sacrifices demandés ne le sont pas en vain » souligne le boucher des stars, animé par la « passion du métier ».
Lire la tribune de Hugo Desnoyer
Crédit photo : Hemera
Boucher, un métier qui ne connait pas la crise
Reconversion dans l'artisanat : le parcours de deux femmes